jeudi 15 décembre 2011

jeudi 10 novembre 2011

Les mondes virtuels, utopie ou pantopie ? Par Jean-Paul Moiraud



Les mondes immersifs sont des constructions que nous envisageons majoritairement sous l'angle pédagogique. Nous essayons de déterminer quels sont les scénarios, les modèles tutoraux, nous essayons de modéliser des interactions dans des environnements artificiels, nous ne sommes en aucun cas dans l'imaginaire. Quel crédit apporterait-on à nos propos s'il apparaissait que nous proposions des schémas utopiques, totalement imaginaires ?

Nous faisons des propositions qui interrogent les modalités actuelles et à venir du e.learning. Notre objectif est de proposer des solutions efficaces destinées à former des apprenants à distance. Nous souhaitons pouvoir les accompagner, les empêcher de décrocher face au sentiment de solitude numérique ?



Pourtant ... Travailler dans les mondes virtuels, n'exclue pas la mobilisation de  symboles liés au monde de l'utopie et de l'imaginaire au service d'un projet rationnel. De façon inconsciente, je m'aperçois que j'avais repris ces déclinaisons dans un billet pour parler du travail de la FDV (1) (faculté de droit virtuelle de Lyon 3).

L'existence d'un lien "anachronique" entre des démarches construites pour des dispositifs de formation inscrits dans le réel et les symboles de l'utopie mérite que l'on s'attarde sur cet apparent paradoxe. Le construit-le déconstruit, l'ordre et le désordre se côtoient. Georges H.Taylor en introduction du livre de Paul Ricoeur (2) intitulé "l'idéologie et l'utopie" énonce le propos suivant :

"La fonction la plus positive de l'utopie est l'exploration du possible. En tant que possible, l'intention utopique est de défier et de transformer l'ordre présent. A un second niveau , là ou l'idéologie légitime l'autorité existante, l'utopie sape cette même autorité"

Nous cherchons effectivement à explorer le champ des possibles, sommes nous  par contre dans des démarches qui sapent l'autorité légitime ? Je ne le pense pas mais les constructions des mondes virtuels sont troublantes de ce point de vue.

Étymologiquement le mot utopie vient du Latin moderne Utopia, c'est le nom d'un pays imaginaire, créé par Thomas Morus en 1516. En grec il signifie le "lieu qui n'existe pas" ou, topos - Dictionnaire étymologique Larousse.


Thomas More décrit ainsi Utopia (3) dans son ouvrage (extraits)

"Ile située à environ quinze milles de la cote de l'amérique latine, originellement liée à la terre par un isthme. L'île tient son nom d'Utopus, l'un de ses premiers conquérants. La plus grande largeur de cette terre est de cent quarante kilomètres, et ses extrémités s'incurvent jusqu'à presque former un cercle, ce qui lui donne la forme d'un croissant. Entre les pointes du croissant, un détroit de dix huit kilomètres de large laisse entrer la mer qui devient un vaste lac protégé des tempêtes par les terres environnantes /.../
Il y a cinquante quatre grandes villes à Utopie, toutes bâties sur le même modèle. Entre chaque ville, il n'y a pas mois de quarante kilomètres, pas plus d'un jour de marche. La capitale Amaurote, est située au centre de l'île. Entourée de hautes murailles crénelées de tours, la ville est protégée sur trois côtés par une douve asséchée remplie d'inextricables buissons d'épines, et bordée sur le quatrième par le fleuve Anydre ..." Sir Thomas More, Utopia, (1516)

La lecture de l'ouvrage d'Alberto Manguel et de Gianni Guadalupi intitulé  "Dictionnaire des lieux imaginaires" (le livre de poche) nous éclaire sur la façon d'envisager ces mondes. Ils ont rassemblé dans leur livre un ensemble de passages significatifs.J'ai relevé quelques passages où le cercle et l'île sont présents :
  • "île située quelque part dans l'océan indien. On ne connaît pas sa situation exacte" Ambre gris -  Les mille et une nuits , XV siècle env." Anonyme, les mille et une nuits, XV siècle environ
  • "île dans l'atlantique, parfaitement circulaire, de mille cent trente lieues de circonférence. Elle est le centre d'un vaste archipel habité par les philosophes, race qui a décidé de vivre en appliquant exactement le système encyclopédique de Francis Bacon". Charles Nodier, Hurlubleu, grand manifafa d'hurlubière, Paris (1822)
  • "Vallée circulaire et boisée du pays de Galles, où l'on ne trouve que quelques maisons noires habitées par une race de géants". Anonyme, Mabinogion (XVIII siècle)
  • "Petite île circulaire, au milieu d'un fleuve, près d'une cascade près des États Unis" Edgar Allan Poe, The island of the Fay.
  • "Cette vieille cité, capitale de la Kravonia depuis un millier d'années a connu de nombreuses dynasties. Elle est construite sur un île du fleuve Krath qui, à cet endroit, coule droit vers l'est. Juste en amont de la ville, le fleuve se divise en deux bras, nommés fleuves Nord et Sud qui enserrent la ville et lui donne la configuration d'une poire". Anthony Hope, Sophy of Kravonia, Londres (1906)
  • "La capitale, Tamoe, orientée au sud, s'ouvre sur la mer. Son port, dans l'unique baie de l'île, est défendu par des fortifications construites à l'européenne ; une superbe avenue, bordée par quatre rangs de palmiers, le relie à la ville qui s'inscrit dans un cercle parfait de trois kilomètres de circonférence". Donatien, Alphonse François, marquis de Sade, Aline et et Valcour, Paris (1795)
Eric Letonturier (3) analyse, lui aussi, le rapport du cercle et de l'utopie - "Notre hypothèse ici est que schématiquement deux formes d'utopies s'opposent, celles qui cautionnent le cercle celles qui avancent l'idée de réseau". Un argument qui donne une résonance (raisonnance ?) forte à nos analyses.

L'analogie entre les mondes virtuels et les descriptions littéraires des mondes imaginaires se retrouve  aussi sous un aspect graphique.


Cartographie des mondes imaginaires
Le besoin de se mouvoir dans un monde virtuel ou celui qui consiste à formaliser une utopie produit le même résultat - Une représentation cartographique des univers considérés. Les auteurs définissent très précisément les contours des mondes. La comparaison est saisissante. Les images ci-contre et ci-dessous nous montrent cette proximité graphique. Ci-contre j'ai repris des images du livre d'Alberto Manguel (4). Ces univers sont ceux de Victoria (James Silk Buckingham), Pellucidar (Edgar Rice Burroughs) et Mecania (owen)




Cartographie des mondes virtuels
 


La navigation en mondes virtuels peut s'avérer difficile, lorsque l'on ne connait pas la topologie des lieux. Une fonctionnalité de cartographie existe. Les représentations qui en sont faites sont troublantes, elles ressemblent aux cartographies des mondes imaginaires, des cercles, des structures géométriques, des espaces cloisonnés, le tout entouré par la mer.






Le plan d'Arc et Senans


On peut pousser la comparaison avec l'architecture. Les plans de la cité d'Arc et Senans (Doubs) dessinés par Nicolas Ledoux sont comparables aux structures des mondes immersifs, c'est-à-dire (semi) circulaire et clos.
La comparaison avec les architectures des mondes virtuels démontre le parallélisme de conception.




L'hypothèse qui sous-tend nos travaux, s'appuie sur l'idée que les mondes virtuels peuvent, sous certaines conditions, aider aux apprentissages, à l'enseignement et au tutorat. Nous estimons que  l'interaction sociale immersive peut briser la distance installée par les réseaux. En décortiquant les codes qui construisent ces mondes, il apparaît que notre travail n'est pas aussi neutre qu'il n'y paraît.


Le monde de l'utopie est insulaire, circulaire et clos, il est protégé du reste du monde. Là n'est pas le moindre du paradoxe. Nous observons, nous travaillons dans des mondes virtuels qui sont construits à partir de codes qui ont pour nom : isolement, clôture, muraille pour développer une stratégie d'ouverture, de coopération, de collaboration et d'intelligence collective.


Et si le monde virtuel, au final, puisait ces sources, non pas dans l'utopie mais dans la pantopie ?


Qu'est ce que la pantopie (5) ?  « Manière de penser et vivre le monde en sa pleine diversité accordant à chaque lieu, à chaque être, l’importance et la dignité auxquelles il a droit, tout en le replaçant dans un vaste réseau de correspondances spatio-temporelles, de reconnaissance mutuelle et de responsabilité commune où il prend tout son sens. » E.C. (6)

Cette définition, même si elle renvoie à des constructions du 19ème siècle où l'on retrouve, entre autres, la pensée de Fourier, n'est pas sans interroger les constructions numériques actuelles, notamment celle du réseau.

Ce billet est un travail exploratoire, il nécessitera des lectures plus approfondies pour amplifier le propos.

Ce billet, n'a pas la coloration habituelle, il n'évoque pas le tutorat, il ne considère pas les mondes virtuels comme résultante d'une instrumentalisation de fonctionnalités technologiques mais ... il me semblait très important de s'interroger sur le sens que produit un objet fait de lignes de codes. A la réflexion sur l'utilisation pédagogique j'ai voulu tenter de questionner le sens ; celui que nous lui donnons, celui qu'il recèle. Il me semblait important de dépasser les champs de l'apprentissage, de l'enseignement et du tutorat pour effleurer ce que pompeusement je nommerai ici la sémiologie. C'est un exercice auquel on se livre peu dans notre quotidien professionnel (celui du secondaire en tout cas), l'immédiateté et la culture du résultat  étant des repères actuels.

Je ne sais si ma démonstration est probante, il me manque assurément un socle de savoirs, de connaissances et de compétences pour approfondir cette réflexion. Je n'ai fait, par manque de temps de de compétences, que poser quelques briques d'analyse. J'espère cependant avoir amorcé un début de réflexion sur le lien entre le sens apparent et le sens caché des outils que nous manipulons, sur la place qu'ils occupent dans nos constructions. 


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(1) L'instrumentum et le negotium -  http://moiraudjp.wordpress.com/2011/05/14/monde-virtuel-linstrumentum-et-le-negocium/
(2) l'idéologie et l'utopie, Paul Ricoeur,  Seuil, la couleur des idées (1986)
(3) Utopia, Thomas More, Librio
(4) Dictionnaire des lieux imaginaires, Alberto Manguel et Gianni Guadalupi, Actes Sud, (1981)
(5) Pantopie.org -  http://pantopie.org/indefinition/utopie-pantopie-2/
(6) Utopies du cercle, pantopies du réseau. Formes et topologies sociales de la communication Eric Letonturier, Persée, numéro 30 (1996) - http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_1996_num_30_1_1951












mardi 25 octobre 2011

Le geste et la parole en monde immersif. Par Jean-Paul Moiraud


J'ai souligné dans un rapport annuel d'activité (1) que les constructions pédagogiques dans les mondes virtuels nécessitaient de déconstruire les repères du monde réel pour les reconstruire dans le monde persistant - "Construire les apprentissages dans les mondes virtuels c’est se transporter dans une dimension immersive qui modifie les relations pédagogiques habituelles. J’ai pu saisir ces enjeux au fil des expériences. Le travail en immersion m’a obligé de (re)définir des règles sociales."

Deux ans d'usages, plus tard, je peux préciser les contours de cette déconstruction. Elle n'est pas systématique mais est justement circonscrite aux relations et interactions entre les acteurs du dispositif.

Un concepteur / développeur expert peut reproduire de façon précise un espace réel dans le virtuel. Ce choix du figuratif est une option tout à fait pertinente, si elle s'inscrit dans un scénario justifié. La reproduction d'un amphithéâtre, d'un lieu identifié de transmission du savoir ... sont des options tout à fait légitimes si elles le sont au regard d'intentions clairement exprimées. Bien que non pédagogiques, deux mondes virtuels hyper réalistes nous renseignent sur cette posture de conception. Le château de Matsumoto (2) (Japon) et le Mont Saint Michel (3) (France) sont des exemples remarquables de transfert du réel dans le virtuel.

A l'intérieur de ces espaces reconstitués s'exercent des relations sociales, mélange délicat et subtil d'écrits de paroles et de gestes. C'est au sein de ces relations sociales qu'il faut s'interroger sur les conséquences de cette déconstruction.

Nos usages professionnels sont très largement imprégnés par le modèle "présentiel synchrone frontal". En présence de nos apprenants les modes de communications sont multiples, s'y côtoient le langage verbal et le langage non - verbal.

J.Cosnier dans un article intitulé "Les gestes du dialogue, la communication non - verbale" in Rev. Psychologie de la motivation, 21, 129, 138,.1996  définit ainsi le rapport de face à face

" De tous ces travaux ressortent deux caractères importants des communications interpersonnelles ou de "face à face": la multicanalité et l'interactivité.
L'interactivité signifie que les énoncés sont coproduits par les interactants : ils sont le résultat des activités conjointes de l'émetteur et du récepteur, et la multicanalité qu'ils sont un mélange à proportions variables de verbal et de non - verbal, ce dernier comprenant à la fois le vocal et le mimogestuel
." 


Cet article explique que la communication non - verbale est très complexe, que son statut est même "souvent marginal et mal défini"

 Il est aussi précisé que les unités gestuelles peuvent être différenciées en "unité gestuelle "gestétique" ou "gestémique", selon que l'on étudie ce qui bouge ou ce qui signifie ("il contracte ses zygomatiques", ou :"il sourit")."

J Cosnier précise, en s'inspirant des travaux de Duncan et Fiske (1977), parle de "danse des interlocuteurs" :

"Le parleur proposera le changement en émettant un ensemble d'indices : verbaux (complétude grammaticale, syntagmes conclusifs : voyez-vous, bien, n'est-ce pas...) vocaux (intonation descendante, syllabe prolongée) et kinésiques (regard vers le partenaire, absence de geste illustratif, éventuellement geste déictique vers l'allocataire désigné).
L'écouteur de son côté peut envoyer des indices de candidature à la parole : détournement du regard, mouvements de tête, raclement de gorge et inspirations préparatoires à la parole, geste de la main à la fois "bâton" et déictique, changement de posture etc ...
" J.Cosnier (2002)

Cette analyse nous donne à comprendre la complexité de la communication non - verbale dans le mode face à face. Le e.learning complexifie la relation puisqu'il met en situation d'interaction des personnes distantes (une relation sans corps physique). Le monde virtuel  réintroduit le geste (le mimogestuel numérique) dans la relation.

La caractéristique du geste dans le monde virtuel n'est pas celle du monde réel. Le geste immersif est la résultante d'une triple intention :

  1. Identifier la gestuelle sociale et professionnelle;
  2. Programmer les gestes, les scripter ;
  3. Activer le geste en immersion, en fonction d'une situation donnée.
Le ou les concepteurs du dispositif doivent avant toute chose scénariser leur travail, le geste participe à cette réflexion globale. Il faut identifier quels sont les gestes professionnels et sociaux des acteurs. Y a t-il une gestuelle professionnelle, quels sont les gestes sociaux de base ? Quels sont les gestes du e.tuteur ? Quels sont les gestes du e.apprenant ?


Nous (Jacques Rodet - Jean-Paul Moiraud) avons entamé une amorce de réflexion sur ce sujet en cherchant à isoler quels peuvent être les gestes du e.tuteur en immersion (avatuteur). Nous avons identifié un certain nombre de situations et mis en écho les gestes qui sont mobilisés dans ces circonstances.


    Bibliothèque de gestes



    Cet inventaire (non exhaustif) est la première étape de cette réflexion. Il faut ensuite traduire les gestes professionnels et sociaux en langage informatique (un script). La traduction numérique de la gestuelle est un processus qui associe une capacité à rendre fin le geste et à gérer les commandes qui l'activeront.






    Pointer du doigt. Geste de l'avatar

    L'image ci-contre est un exemple de module de geste programmé. L'avatar pourra pointer du doigt son interlocuteur, un objet ou un endroit. Le geste n'est pas la simple résultante du lien pensée/geste mais la coordination d'une intention, d'une programmation et de l'activation d'une commande. L'utilisateur devra mettre au point la stratégie qui permettra d'activer les gestes.
















    L'activation du geste est la troisième étape de l'intention. Le processus de déconstruction / reconstruction du geste permet-il d'intégrer le non - verbal dans les rapports sociaux immersifs ? Les multiples expériences menées nous permettent de donner les premières pistes d'analyse.

    Au risque de proférer une banalité, il me semble utile de rappeler que ce n'est pas l'avatar qui s'exprime mais l'Homme qui le pilote. Il est le réceptacle / acteur d'une intention pédagogique, sociale et humaine.

    Regardons à titre de comparaison, le rôle de l'écrit dans le e.learning. La communication entre l'enseignant / tuteur et l'apprenant doit respecter quelques principes de base. On insère un texte de salutation introductive. On s'exprime en utilisant un style le plus fluide possible, on gère correctement les temps grammaticaux (le choix de l'indicatif présent ou du conditionnel n'ont pas la même incidence), enfin on insère une formule de politesse de clôture. Il est préférable de ne pas répondre "à chaud"; formuler sa question par écrit peut aider à obtenir la réponse ... Le texte peut être à la fois une expression non maîtrisée du social, comme un filtre précieux pour préciser sa pensée, gérer ses émotions, entretenir son lien social.

    Le geste participe de la même démarche réflexive, il est, à la fois, un élément important du dispositif de formation s'il est maîtrisé, pensé, anticipé et un frein s'il devient un élément de surcharge cognitive, une strate mal contrôlée qui désynchronise la parole et le geste.

    J'ai évoqué la notion de triple intention dans la gestion du geste, identifier, scripter, activer. Il faut y ajouter la nature du geste dans l'univers immersif (voir supra). Je distingue deux types de gestes : le professionnel et le social. 

    Le geste professionnel s'inscrit dans un scénario conçu à l'avance, on pourrait l'assimiler à une routine professionnelle maîtrisée ou à maîtriser. Exemple - Un médecin fait un massage cardiaque, des brancardiers soulèvent un patient, le médecin injecte un produit spécifique ... Ce geste s'inscrit dans un schéma construit, objet de réflexion, de validation. Il est un élément d'un dispositif plus large, l'acte de formation pour un module identifié. Le geste est linéaire, il est constitutif d'un scénario. J'oserai le terme de geste mécanique, techniciste.

    Le geste social - Sa maîtrise est plus délicate, son exercice pose la question de l'existence ou de l'inexistence du non - verbal gestuel (le mimogestuel) dans l'immersif. L'acte de déconstruction / reconstruction - réel / virtuel permet-il une transposition fidèle du sens du geste ?

    J. Cosnier parle de la "danse des interlocuteurs". Nous ponctuons nos conversations par des hochements de la tête, nous orientons notre regard, nous émettons des gestes de mains significatifs ... Nous le faisons de façon automatique, parfois inconsciente, ils nous caractérisent. Sigmund Freud parle, dans certains cas, d'actes symptomatiques et accidentels (5)

     "On peut subdiviser les actes symptomatiques et accidentels très fréquents, en les classant dans diverses catégories, selon qu'ils sont habituels, se produisent généralement dans certaines conditions, ou sont isolés. Les premiers (habitude de jouer avec sa chaîne de montre, de se tirailler la barbe, etc.), qui peuvent presque servir à caractériser les personnes qui les accomplissent, se confondent avec les innombrables tics et doivent être traités avec ces derniers. Je range dans le deuxième groupe les mouvements qu'on accomplit avec la canne qu'on a à la main, le griffonnage avec le crayon qu'on tient entre les doigts, le pétrissage de mie de pain et autres substances plastiques; font partie du même groupe les gens qui ont l'habitude de faire sonner la monnaie qu'ils ont dans leur poche, de tirer sur leurs habits, etc. A toutes ces occupations, qui apparaissent comme des jeux, le traitement psychique découvre un sens et une signification auxquels est refusé un autre mode d'expression." Sigmund Freud (1901)


    Le travail dans les mondes virtuels modifie le statut du geste. Il résulte de la triple intention, il est donc calculé, organisé, déclenché par une analyse préalable. Entre l’émission d'un geste  et sa réception un ensemble de filtres cognitifs interviennent.

    • Posséder une bibliothèque de gestes appropriés ;
    • Gérer avec dextérité le clavier et/ou la souris ;
    • Maîtriser les commandes du logiciel de navigation ;
    • Activer de façon réfléchie le bon geste au bon moment ;
    • Créer un avatar qui transmet et exprime les gestes (Un avatar robot ou animal limite ou supprime l'effet de la gestuelle).


    Malgré ces réserves, le geste reste un élément central du dispositif immersif, il permet de formaliser plus explicitement les intentions des acteurs. Il est possible de communiquer par un autre canal que la voix et le texte. Cette possible combinaison de la voix, du texte et du geste donnent de la force à la transmission des intentions pédagogiques, on peut affuter la relation entre le professeur/tuteur et l’apprenant.
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        (1) Bilan d'activité mondes virtuels 2010 http://moiraudjp.wordpress.com/2010/06/16/bilan-2010/

        Psychopathologie de la vie quotidienne, Sigmund Freud (1901), Petite Bibliothèque Payot, page 244

        (2) Le château de Matsumoto dans Second Life -  http://maps.secondlife.com/secondlife/Japan%20Kanto/249/172/31


        (4) Les gestes du dialogue, la communication non - verbale, J. Cosnier (1992) - http://twurl.nl/b2cqit 

        (5) Psychopathologie de la vie quotidienne, Sigmund Freud (1901), Petite Bibliothèque Payot, page 244





        lundi 26 septembre 2011

        L’innovation en formation est d’abord pédagogique et non technique. De l'ingénierie pédagogique dans les mondes virtuels. Par Jacques Rodet

        L’innovation est toujours relative à une transgression de l’habituel. Toutefois, transgresser les «règles» sans les connaître et les maîtriser, revient à se donner l’assurance d’arriver à peu près à n’importe quoi. Ce constat est également valable pour l’innovation pédagogique. Ainsi, aménager des espaces de formation dans les mondes virtuels ne peut correspondre à la simple réalisation d’objets et de leur assemblage tout en ignorant les principes de l’ingénierie pédagogique. Sans intention pédagogique explicitée, l’environnement de formation, même immersif, ne peut se suffire à lui-même. C’est ce que nous confirme Jean-Paul Moiraud dans, son dernier billet rendant compte de ses visites de différents mondes virtuels centrés sur l’apprentissage, en relevant que : « Il y a, dans les mondes observés, un déficit de lisibilité pédagogique. La qualité des animations tend à estomper ce manque, si l'on se contente d'une observation de surface. » et en soulignant qu’ « Établir des articulations logiques entre les constructions technologiques et les enjeux pédagogiques semble nécessaire. » 

        Penser l’ingénierie pédagogique 
        Afin d’avancer dans notre réflexion, il me semble utile d’utiliser les modèles d’ingénierie pédagogique dans des champs voisins des mondes virtuels, à savoir les formations multi-médiatisées et offertes à distance. A cet égard, les propositions de Gilbert Paquette, enseignant-chercheur au LICEF de la Télé-université du Québec sont intéressantes à examiner. La méthode MISA et le langage MOT qui l’instrumente sont performantes mais certainement lourdes à mettre en œuvre, en particulier lorsque le parcours de formation n’est pas très long ou que sa pérennité ne constitue pas un objectif poursuivi par les concepteurs. Depuis de nombreuses années, j’utilise certains éléments de cette méthode pour concevoir des formations ou accompagner des organisations ayant des problématiques de formation à résoudre. Un des outils dont je me sers le plus souvent est un schéma de scénarisation de la conception, de la réalisation et de la diffusion d’un environnement d’apprentissage. 

        L’ingénierie pédagogique d’un système d’apprentissage à distance

        Les étapes chronologiques de cette ingénierie, i) Définir le problème de formation ; ii) Proposer une solution préliminaire ; iii) Concevoir l’architecture pédagogique ; iv) Concevoir les matériels et leur diffusion ; v) Réaliser et valider les matériels ; vi) Planifier la diffusion du système d’apprentissage, sont croisées avec quatre axes, celui des connaissances, l’axe pédagogique, l’axe médiatique et celui de diffusion. Au croisement de chaque étape et de chaque axe correspond un livrable à produire constituant un des éléments du devis de l’axe concerné. 

        Tableau de la documentation à produire

        Trop fréquemment, l’innovation en formation revient à investir uniquement l’axe médiatique d’où des dérives technicistes auxquelles participent les innovateurs se définissant volontiers comme geeks. Il y a pourtant deux écueils à éviter dès lors que l’on s’engage sur la voie de l’innovation. Le premier est d’estimer, et parfois de croire, que l’innovation abolit toutes les pratiques antérieures. Ceci est davantage le cas de la part de «nouveaux entrants», de personnes n’ayant pas d’expériences précédentes dans le domaine dans lequel ils innovent, qui, ignorant qu’ils ignorent, armés de leur «militantisme» ou de leur foi en la puissance magique de l’outil, bousculent, certes, les usages, mais ont peu de chances d’être pertinents. Le second écueil, éventuellement conséquence du premier, mais pas toujours, est d’innover pour innover. Les «nouveaux entrants» ne sont pas les seuls concernés. Au contraire, des professionnels éprouvés peuvent considérer l’innovation comme un nouvel Ouest dans lequel ils ne seraient plus contraints par les «règles» régissant les pratiques traditionnelles. Aller toujours plus loin, se saisir de toutes les nouveautés technologiques, gagner en liberté parce que l’on ose se transformer en pionnier sont des tentations suffisantes pour se soustraire aux contraintes des pratiques les plus éprouvées. Etre conscient de ces écueils permet de s’en prémunir largement et constitue un des buts de ce billet. 

        Si j’ai évoqué ma pratique d’ingénierie pédagogique, c’est bien plus à titre d’illustration que de volonté prescriptive. Ma préconisation serait plutôt celle-ci : que chacun qui souhaite s’investir dans la formation en monde virtuel, le fasse après avoir mis au jour ses pratiques d’ingénierie pédagogique et ne renonce pas à s’en servir. 

        Ingénierie tutorale, élément de l’ingénierie pédagogique 
        Ce blog s’intéressant plus spécifiquement à une modalité pédagogique, à savoir le tutorat à distance, la préconisation générale pour l’ingénierie pédagogique se révèle également pertinente pour les questions de support à l’apprentissage. Il est à noter que l’ingénierie tutorale est un sous-ensemble de l’ingénierie pédagogique, que, par exemple, l’approche pédagogique choisie pour une formation, influera nettement les tâches et les résultats de l’ingénierie tutorale la concernant. 

        Le rôle de l’avatuteur dans un monde virtuel est à penser, à concevoir et à planifier. Là encore, les pratiques éprouvées dans des formations à distance peuvent servir de guide, du moins dans un premier temps. J’ai déjà eu l’occasion de définir et de décrire l’ingénierie tutorale (Rodet, Jacques (2010). Propositions pour l’ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7 .pdf). De même, sur ce blog, j’ai proposé une grille permettant tant de penser que de décrire les interventions tutorales (cf. billet). Je reproduis ci-dessous un billet s’intéressant à la modélisation de l’ingénierie tutorale. 



        L'ingéniere tutorale comme toute ingénierie, a pour but la production de livrables issus des études effectuées. Ces livrables, dont les formes peuvent être variées, permettent de décrire précisément le système tutoral, le scénario tutoral et le plan de diffusion du tutorat.

        Le système tutoral indique la stratégie tutorale de l'institution de formation et les valeurs auxquelles elle se rattache en matière de support à l'apprentissage en lien avec ses choix pédagogiques. Il permet d'identifier les moyens humains et matériel qui assurent des fonctions tutorales au sein d'un dispositif de formation à distance ou hybride. Il précise également les relations que ces différents acteurs entretiennent les uns avec les autres pour aboutir à une qualité, de services tutoraux offerts aux apprenants, la meilleure. 

        Le scénario tutoral (cf. Le scénario tutoral, livrable de l'ingénierie tutorale) identifie, décrit et quantifie les différentes interventions tutorales prévues tout en précisant leurs modalités et les outils de communication qui les supportent. Ces interventions sont situées dans le scénario pédagogique de la formation à distance ou hybride. La charte tutorale, partie de ce livrable, notifie les droits et devoirs de l'institution, des tuteurs et des apprenants les uns envers les autres. Elle constitue un document de transition entre la phase de conception et celle de diffusion.

        Le plan de diffusion du tutorat indique comment le système tutoral et le scénario tutoral sont orchestrés lors de la diffusion de la formation à distance ou hybride. Il prévoit en particulier comment les acteurs seront préparés à l'exercice de leurs fonctions tutorales, le dimensionnement des outils de suivi des actions tutorales et de leur évaluation, les conditions de viabilité économique du système tutoral.

        Le monde virtuel, brique d’un parcours de formation 

        Le monde virtuel doit-il être considéré comme l'environnement unique et suffisant d'un parcours de formation ? L'expérience des mondes virtuels me manque pour être pleinement affirmatif. Toutefois, je remarque qu'après le e-learning qui devait remplacer le présentiel, le serious game que certains tendent à présenter comme le stade ultime de la pédagogie, il y aurait une certaine naïveté, pour ne pas dire plus, à considérer les mondes virtuels comme le nouvel eldorado pédagogique. La plupart des dispositifs de formation ayant recours aux TICE, s'étant fixés de réels buts pédagogiques et non pas la seule amélioration de la communication des «détenteurs du savoir», optent pour des formules mixtes. En effet, les institutions offrant des parcours entièrement à distance sans rabattre sur la qualité sont rares. Il me fait plaisir d'en citer une qui a aussi été mon université formatrice : la Téluq (Télé-université du Québec).

        La mixité, l'hybridation, le blended learning autorisent aujourd'hui des assemblages de modalités traduisant l'imagination innovatrice des concepteurs. Là encore, certains outils conceptuels sont utiles. La typologie Competice, malgré son ancienneté relative, reste toujours inspirante. Envisager le scénario pédagogique en fonction de la part et de la position des activités à distance peut facilement être transposé pour les mondes virtuels : quelle part, quelles positions des activités pédagogiques en situation immersive au sein du scénario général d'une formation ? 

        Récemment, Sébastien Fraysse, bien connu pour ses entretiens avec les éditeurs de plateformes e-learning, a proposé une nouvelle matrice pour penser l'hybridation. reproduite ci-dessous. Nul doute, qu'elle pourra être également utile aux concepteurs envisageant d'investir les mondes virtuels (lire aussi les billets qui accompagnent la construction de cette matrice).



        Conclusion provisoire
        Innover pédagogiquement, y compris dans les mondes virtuels ne peut être le résultat de l'oubli des méthodes d'ingénierie pédagogique au profit d'une débauche de moyens technologiques. Dans ce billet, j'ai plus particulièrement attiré l'attention sur quelques méthodes d'ingénierie pédagogique et tutorale et sur des modèles permettant de penser l'hybridation des modalités. Chaque concepteur, en fonction de ses préférences et de son expérience choisit ses propres référents conceptuels. C'est très bien ainsi tant l'innovation réside bien plus dans les subjectivités mises à jour et donc explicitées que dans le suivisme entretenu par le buzz.

        vendredi 23 septembre 2011

        Technologie et pédagogie. Par Jean-Paul Moiraud


        Je visite de nombreux mondes virtuels pour constituer mon matériel de recherche (1). Je suis en train de constituer une base de données de mondes qui me paraissent significatifs d'un point de vue pédagogique. Le secteur médical (2) est un  terrain d'observation privilégié pour les mondes virtuels de simulation, les usages ont nombreux . Le virtuel est adapté à la connexion entre les savoirs disciplinaires théoriques et la pratique, dans le monde médical (on peut retrouver cette invariance dans les sciences juridiques)

        Les concepteurs des mondes médicaux ont atteint un niveau technologique d'excellence. J'ai visité des salles d'opérations, des blocs chirurgicaux, des salles d'odontologie, des nurseries, des salles d'urgence, des salles de radiologie (3) ... Il est possible de simuler un grand nombre de situations professionnelles. Les acteurs (avatarisés) peuvent  interagir avec d'autres acteurs (patient/médecin/assistant), avec des objets professionnels (cathéter, masque, lampe, table d'auscultation, moniteurs, fauteuils pro ...) dans un environnement reconstitué.

        Design de simulation

        En enlevant la chair disciplinaire de ces simulations, on voit s'esquisser le squelette d'un modèle technologique immersif de formation (à la fois très proche du serious game, il affirme en même temps sa singularité).

        J'ai employé le terme technologique et pas encore le terme pédagogique en raison de constantes d'observations accumulées pendant mes séances immersives.

        Il y a, dans les mondes observés, un déficit de lisibilité pédagogique. La qualité des animations tend à estomper ce manque, si l'on se contente d'une observation de surface. De façon générale, les concepteurs des mondes ont intégré l'idée qu'il faut aider à l'apprentissage par la manipulation. Pour mener à bien cet objectif ils ont conçu des HUD  [Head Up Display ou affichage tête haute] (4), des objets qui rendent interactives les situations pédagogiques (5). Par contre le modèle pédagogique, sous tendu, n'est jamais (ou très rarement) justifié, il est occulté par la prégnance de la dimension technologique 

        J'émets l'hypothèse qu'il faut que les acteurs aient, à disposition, un espace de formation immersif intelligible à tous les niveaux. La marge de progression est à rechercher dans cette direction. Établir des articulations logiques entre les constructions technologiques et les enjeux pédagogiques semble nécessaire.

        La posture d'observateur est inconfortable car l'immersion rend difficile la perception du lien existant (je suppose qu'il existe) entre les démarches construites IRL (in the real life) et les logiques immersives. Je me permets de citer, à titre d'illustration, Laurent Gout qui rédige une chronique de visite de la salle d'Urgence de l'Impérial College de Londres : " L'Imperial College of London, présent de longue date sur Second Life, dispose d'une zone pour des "ateliers virtuels" où les participants sont confrontés à un afflux massif de victimes graves dans un service d'urgences. C'est du moins ce que j'ai interprété de ce qu'il m'a été donné de voir, car vous l'imaginez bien, au milieu du mois d'Août les locaux étaient plutôt déserts" - Le billet cité. Laurent Gout met en évidence un paradoxe, un monde persistant avec un niveau d'information volatile.

        On peut émettre quelques hypothèses sur cet asynchronisme entre l'ouverture de l'univers instrumental technologique  et le bricolage des constructions liées à la formation / tutorat (6)

        1. Les mondes virtuels sont encore dans la phase d'innovation pédagogique. Les constructions sont (assez souvent) le fait de créateurs polyvalents / geeks. L'ampleur du chantier (par essence chronophage) les pousse à travailler par priorité. Il semblerait donc souhaitable que la chaîne de formation s'organise en ayant comme fil conducteur une structure construite sur le principe de la division des tâches. Une sous représentation des pédagogues dans le dispositif est peut être une explication possible.
        2. Les concepteurs ont choisi d'expliquer, aux apprenants, aux enseignants, aux tuteurs, les enjeux IRL ou par blog interposé (7), le monde virtuel étant confiné à sa simple fonction instrumentale.
        3. Les concepteurs ne jugent pas utile de définir inworld les enjeux, parce qu'ils leurs semblent évidents, transparents. la construction technologique se suffisant par elle même.
        4. Les mondes visités ne sont que des constructions technologiques, les modèles pédagogiques ne sont pas intégrés.
        5. La communauté pédagogique dans les mondes virtuels n'est pas suffisamment organisée, les publications sont éparses et la mise en commun de modèles est quasi absente.


        Technologie et pédagogie


        Il ressort de ces observations, et quelque soit l'hypothèse évoquée ci-dessus, que les mondes virtuels sont encore trop orientés technologie et pas suffisamment sur les enjeux de formation, même si la direction est clairement affichée. 






        C'est probablement à ce titre que Jacques Rodet peut apporter sa pierre à l'édifice en proposant une trame pour un modèle de tutorat immersif qui associe en subtilité technologie et tutorat.

        NB : Mon propos se veut généraliste. J'ai visité des mondes et rencontré des acteurs qui sont des exceptions notoires. Ils œuvrent dans le sens de la scénarisation complète. Le monde Dental Life et le travail de Laurent Gout sont des exemples à suivre avec attention.



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        (3) Site de dentiste sur Second life Hôpital sur Second Life Salle d'urgence sur Second Life
        (4) le hud est une méthode par laquelle l'information est relayée graphiquement au joueur - Exemple de hud - Autre exemple de hud
        (5) Simulation N° 1 - Simulation N°2 - Les simulations présentées n'ont pas été faites sous le contrôle d'un médecin, ce qui peut expliquer des approximations, voire des erreurs grossières d'un point de vue médical.
        (6) En disant cela je ne dis pas que les objectifs pédagogiques sont absents, je constate que  leur lecture est brouillée.
        (7) Imperial college London"The research teams have developed strong relationships with, industry, government organisations, healthcare providers, and educational institutions to facilitate the translation of its research into practical applications and new innovative technology." - "Major Incident Planning is a national requirement for NHS trusts and other emergency services, with frequent exercises to maintain skill levels, patient safety and preparedness. Field exercises and table top simulations are valuable training tools but have limitations. We set out to demonstrate the potential of disruptive virtual world technology to provide lower cost, direct access to simulated environments for many more staff. In this project we are developing and validating a virtual world exercise simulator, supported by funding from the Health Protection Agency."




        jeudi 15 septembre 2011

        Les expressions du visage de l'avatar

        Tutorat et prise en compte de l'espace de formation. Par Jean-Paul Moiraud

        Dans les dispositifs habituels de formation en ligne, la gestion tridimensionnelle de l'espace (numérique) est un élément peu pris en compte car il est de peu d'importance. L'enseignement, l'apprentissage et le tutorat s'exercent dans un repère plan. Les acteurs du dispositif sont éclatés sur le territoire et communiquent via le texte, le son, l'image et la vidéo. Les contraintes sont plus d'ordre temporel que spatial.

        Un monde virtuel (notamment de simulation) bouscule cette organisation.  Il contraint les concepteurs des dispositifs à penser autrement le dispositif tutoral. Il faut considérer le 3D comme une variable du dispositif.

        Jacques Rodet, dans un précédent billet, pose la question  de la pertinence de l'intervention tutotale pendant la phase d'apprentissage. Faut-il intervenir ex abrupto  ? Est ce pertinent ou est ce un frein ?

        Le monde virtuel n'est pas soumis aux lois physiques de la pesanteur. C'est un atout pédagogique puisqu'il est loisible au tuteur de se positionner en dehors du champ formatif. Il peut observer en hauteur.  Il conviendra, dès lors, aux concepteurs de déterminer les strates spatiales de travail. Celles qui se situent entre le sol et l' espace aérien. Comment positionner l'apprenant et le tuteur ?

        Les images ci-dessous sont conçues pour illustrer la problématique des cadres spatiaux de cette réflexion.


        La position spatiale du tuteur (Images Laurent Gout)



        Le tuteur exerce son activité au dessus de l'exercice de simulation. Il est en capacité d'observer et d'analyser l'activité du ou des apprenants sans perturber l'acte d'apprentissage et sans perturber par sa présence le travail des apprenants.

        Rôles des acteurs et positions spatiales








        On peut intégrer dans le dispositif de formation des observateurs spécialisés et des tuteurs. Ils seront placés en altitude et instrumenteront les fonctionnalités de l'image subjective et / ou de vue d'un objet pour visualiser la scène (1). Le tuteur pourra intervenir s'il le juge utile en descendant ponctuellement sur la scène de formation. On pourra parler de tuteur extra territorialisé




        L'imperial college of London (simulation de médecine de catastrophe) a intégré cette dimension spatiale extra territorialisée. Les concepteurs ont  créé un toit transparent au dessus la salle d'urgence. Il est ainsi possible d'observer les acteurs en position haute, sans perturber le bon déroulement de la séance.


        Dans d'autres dispositifs de formation, l'agencement spatial peut avoir une logique d'horizontalité. L'utilisation cumulée, de la fonctionnalité vue de l'objet et de la fonctionnalité vue subjective, permet de gérer visuellement la situation(1). On parlera du tuteur immergé.





        Nous pouvons représenter l'espace de travail dans un monde virtuel sous cette forme volumique. La mise en place du dispositif tutoral devra intégrer en amont de la phase opérationnelle, une analyse des possibles. Cela ne signifie pas que toutes les phases interactives instrumenteront l'espace, mais il faudra déterminer les conditions de son implémentation lorsque cela s'avère nécessaire (2)

         

         

         

         

         

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        Vidéo N° 1 L'instrumentation des commandes de visualisation de second life

        Vidéo N° 2 -  Le tuteur et l'espace


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        Le gestion horizontale de la situation de formation - Le tuteur immergé


        mardi 13 septembre 2011

        Le tuteur immergé

        Le tuteur peut se placer en altitude ou s'intégrer dans la simulation. Dans la vidéo ci-dessous, on peut aisément imaginer le tuteur dans la salle d'audience (simulation de situations juridiques). Il utilisera les fonctionnalités de la vue subjective pour observer le déroulement de l'exercice.

        Vidéo réalisée dans le palais de justice virtuel de Lyon, reconstitué par les enseignants de la faculté de droit virtuelle (FDV)

        Configurations

        Les grilles à remplir pour programmer sa navigation dans Francogrid, Osgrid  et second life (Avec imprudence)

        NB : cliquez sur les images pour agrandir

        Grille Francogrid
        Grille Osgrid

        Grille second life

        Grille vierge à remplir et à valider

        Pour les possesseurs de Mac, la configuration DNS nécessaire ici le wifi

        Les DNS sur Mac - Mode wifi
        ici sur Ethernet

        Les DNS sur Mac Mode Ethernet

        Module de paramétrage du son dans le navigateur de second life

        Paramétrage du son

         Module de paramétrage du son dans le navigateur imprudence

        Paramétrage du son


        L'architecture du dispositif monde virtuel, lorsque les grilles sont paramétrées, a la forme suivante




        lundi 12 septembre 2011

        Vidéo - Observer et tutorer les apprenants en altitude

        L’avatuteur en vol, posture à concevoir. Par Jacques Rodet

        Dans les mondes virtuels, il existe une dimension qu’il est bon de ne pas négliger, c’est la verticale ! Si la possibilité de voler qui est offerte aux avatars est certainement une des plus ludiques, elle est aussi à envisager dans le cadre de nouveaux positionnements spaciaux de l’avatuteur pour ses interventions.

        Ainsi que l’a montré Jean-Paul Moiraud (1), il peut être très avantageux pour un avatuteur de ne pas encombrer l’espace dans lequel des apprenants font évoluer leurs avatars. Ceci est plus particulièrement vrai lors d’expériences d’immersion complète (cas d'usage n°2 évoqué dans ce billet) dans lesquelles les apprenants doivent adopter des comportements pouvant être rapprochés d’un référentiel de bonnes pratiques (gestes prescrits comme par exemple la pose d’une perfusion). Lorsque les avatars des apprenants doivent entrer en interaction les uns avec les autres, y compris en interaction gestuelle, le fait que l’avatuteur n’encombre pas l’espace est encore plus primordial.

        Il est donc nécessaire, lorsque l’on conçoit les interventions tutorales (cf. Grille de description d'une intervention tutorale)  de prendre en compte cette dimension verticale. L’avatuteur, planant au-dessus de la scène, grâce à la vue subjective (2), peut avoir une bonne vision des gestes et comportements des avatars des apprenants. Placé à une altitude raisonnable, il pourra, en cas de besoin, atterrir rapidement pour montrer aux apprenants le geste adéquat. Il est à noter que même planant, il peut s’adresser aux apprenants par le chat.

        Ayant eu plusieurs fois l’occasion de regretter que dans un dispositif e-learning classique, l’apprenant ne soit pas toujours tenu au courant de l’examen que le tuteur effectue sur son évolution dans son parcours d’apprentissage, il me semble qu’il ne faut pas être moins exigeant dans les mondes virtuels. En conséquence de quoi, l’avatuteur planant ne devrait pas le faire à l’insu des apprenants. Au contraire, ceux-ci devraient être informés qu’ils sont observés par l’avatuteur en altitude. Dans les cas où la scène est envisagée comme épreuve d’évaluation, il me parait également opportun que la présence et la position de l’avatuteur soient connues des apprenants.

        Ces éléments : présence de l’avatuteur, position dans l’espace, objectifs d’observation, résultats attendus de l’observation, interactions envisagées avec les avatars des apprenants, sont à ajouter dans les fiches descriptives des interventions tutorales lorsqu’elles sont effectuées au sein d'une formation se déroulant dans un monde virtuel. Il est envisageable d’imaginer que d’autres éléments, tels le vêtement utilisé par l’avatuteur, le répertoire de ses gestes puissent aussi faire l’objet de mentions lors de la conception des interventions tutorales.

        (1) Vidéo « Le tuteur et l’espace » http://www.youtube.com/watch?v=EqGK6rkx4LE
        (2) Album Facebook « vue subjective » http://goo.gl/1sil3

        vendredi 9 septembre 2011

        Première vidéo sur les gestes de l'avatuteur par Observer Teacher

        Monde virtuel et motivation des apprenants. Quelques pistes. Par Jean-Paul Moiraud




        Dans le billet intitulé "Ressorts d’engagement et interventions tutorales sur le plan motivationnel" Jacques Rodet m'interpelle de la façon suivante :

        "A partir de cet inventaire, il serait possible d’examiner comment compléter ou combiner ces ressorts d’engagement par des interventions tutorales sur le plan motivationnel. Il est bien possible que Jean-Paul Moiraud ait déjà quelques réponses…"

        Je préfère parler de pistes de réflexions avancées, plutôt que réponses. Commençons par  cadrer cette analyse en nous référant à la définition du plan de support motivationnel.  donnée par Jacques Rodet, dans un billet du  blog de T@D intitulé "Distinction entre support motivationnel et support socio-affectif des apprenants" : (extrait)

        "Le motivationnel est un plan de support à l’apprentissage qui vise à encourager la persévérance à la formation et à prévenir l’abandon. Le tuteur, ne doit pas se limiter à intervenir comme aiguillon et relais des stratégies de motivation extrinsèque mais doit également agir de manière à ce que l’apprenant renforce sa motivation intrinsèque. Ceci est particulièrement nécessaire lorsque l’apprenant n’arrivant plus à faire face à ses difficultés d’apprentissage envisage l’abandon. Le tuteur ne devrait pas non plus être avare d’encouragements et de félicitations car le renvoi seul de l’apprenant à ces erreurs ou à ces échecs est profondément démotivant pour de nombreuses personnes." Source - Blog de T@D Jacques Rodet

        Je propose de jalonner quelques pistes pour ébaucher un plan de support motivationnel en monde immersif. Elles n'ont pas de valeurs prescriptives, elles sont un champ des possibles, une première approche exploratoire.

         Les mondes virtuels émergent dans la formation à distance, les modalités du tutorat sont à définir. Il est préférable, dans un premier temps, de s'attacher à cerner prioritairement les usages plutôt que les enjeux manipulatoires  (même s'ils sont une source évidente de questionnement). C'est ce que souligne Christelle Mariais : "Concernant la conception d’un scénario au stade de l’esquisse, notre approche se focalise sur l’activité des apprenants, indépendamment des outils qui seront utilisés lors de l’exécution" Christelle Mariais, Florence Michau , Jean-Philippe Pernin, Nadine Mandran, in [« Learning Role-Playing Games » : méthodologie et formalisme de description pour l’assistance à la conception] (2011)

        Je procèderai en deux temps, en parlant d'abord des ressorts d'engagement motivationnel pour les tuteurs, puis ceux des apprenants. Une construction qui pourrait s'apparenter à une ébauche de scénario à granularité fine.
        • Motiver le tuteur

        L'apprenant et la chaine de formation
        Je vais emprunter une voie de traverse en évoquant en premier la motivation du tuteur. 

        Il est nécessaire de rappeler que le monde virtuel de formation n'a d'existence et de consistance que s'il est pensé dans le continuum d'une  chaine de formation. Le rôle du tuteur est spécifique. Motiver l'apprenant c'est comprendre les enjeux tutoraux immersifs et les fonctions adjacentes (schéma ci-contre).

        La charge cognitive est forte dans un monde virtuel. Les tâches spécifiques des acteurs du dispositif doivent être distribuées. Un scénariste, un développeur, un concepteur de cours, un tuteur, un community manager, un capteur de ressources.  Les apprenants ne pourront être encadrés, écoutés, motivés que si le tuteur peut se concentrer sur l'aide aux apprenants en s'affranchissant des contraintes amont et aval (1).
        • Motiver l'apprenant
        Après le détour nécessaire sur les rives du tutorat, il convient d'examiner quels sont les ressorts d'engagement pour les apprenants (le terme apprenant englobant les étudiants de la formation initiale et les salariés en formation tout au long de la vie ou life long learning). Je vais reprendre un extrait de l'article de Christelle Mariais, Florence Michau , Jean-Philippe Pernin et Nadine Mandran (op.cit.). Ils déterminent les quatre premiers ressorts d’engagement sous les termes de "agôn, alea, mimicry et ilinx" soit, traduit « être en compétition », « être soumis au hasard » « jouer un rôle » et « perdre le contrôle ». Le dernier ressort proche de  l'injonction  paradoxale, nous enjoint de trouver le point d'équilibre entre l'impératif  de faire  perdre le contrôle à l'apprenant et celle de le rassurer.

        L'intervention tutorale immersive est spécifique. Elle est formalisée dans trois dimensions ; L'incarnation tridimentionnelle du tuteur,  l'instrumentation interactive de la gestuelle,  l'intervention dans un espace signifiant. Trois points d'ancrage pour les ressorts motivationnels.

        - Une représentation 3D du tuteur


        Avatar Robot

        Avatar humanoïde
        -La structure des mondes virtuels permet au tuteur d'interagir non seulement par la voix, le texte, l'image, la vidéo mais aussi grâce à son avatar. Dans un dispositif habituel, type classe virtuelle, l'apprenant doit se représenter le tuteur par construction d'une image mentale (on suppose que la webcam est désactivée). En monde immersif le tuteur est représenté sous une forme "avatarisée", charge à son détenteur, de lui conférer une sociabilité. Choisir une représentation humaine ou robotisée n'a pas le même sens. Le tuteur projette une part de lui même dans sa représentation numérique.
        L'avatar du monde virtuel est représenté en 3D et évolue dans un espace 3D. Il peut se mouvoir, interagir avec les autres acteurs. Le tuteur pourra ainsi rencontrer l'apprenant dans l'espace de formation. Il pourra instaurer un lien de proximité effectif par la combinaison fine, des déplacements spatiaux, de la voix et du texte et de la gestuelle.

        - Instrumenter la gestuelle de l'avatar

        Les possibles technologiques de la programmation permettent d'intégrer une gestuelle humaine, une attitude. Par attitude nous entendons "une attitude est un état mental de préparation à l’action qui exerce une influence dynamique sur nos comportements. C’est en somme une manière de se comporter ou une prédisposition à porter un jugement, à manifester un comportement dans une situation donnée." Allport (1935) "In Quelques repères pour évaluer les attitudes et les comportements professionnels en soins infirmiers" - Margot Phaneuf, inf., Ph. D. Infiressources, août 2010.

        Il y a ici un champ de réflexion sur la place du geste et de l'attitude dans un dispositif immersif  et sa possible instrumentation. L'aide, la motivation, l'acte qui consiste à rassurer l'apprenant lorsque cela s'avère nécessaire peut être augmentée grâce au geste . Le geste chaleureux, le geste d'encouragement (nécessité de concevoir des simulations spécifiques mais avec une finesse du geste et/ou de l'attitude) sont à intégrer comme élément de réflexion du scénario. Le geste est -il à l'heure actuelle un élément pertinent pour structurer les aspects motivationnels ? La mise en forme d'un document définissant ce qu'est le geste professionnel du tuteur pourrait être une ressource précieuse pour donner une réponse. Son prolongement pouvant être des travaux de "programmation" pour les transformer en geste numérique adapté au tutorat.

        - Agir dans un espace signifiant

        Le lieu de formation immersif doit se comprendre comme un espace normé. Il n'est pas le bureau du tuteur, il n'est pas le domicile de l'apprenant. Il est un lieu réel d'interaction pour l'apprentissage, l'enseignement et le tutorat.

        Dans les dispositifs habituels de formation en ligne (classe virtuelle, visio-conférence ...) le tuteur accompagne via les chats, les forums, les wikis, le mail, la visio... En immersion il est bien sûr possible de dialoguer mais il est en plus loisible de  rencontrer le tuteur dans une unité d'espace et de temps. Le design du lieu doit contribuer à créer un sentiment d'identité et de confort spatial. Se rencontrer réellement en immersion (l'avatar étant utilisé comme médiateur) semble être une plus value pour répondre aux questions sensibles des apprenants comme la difficulté de compréhension, le risque de décrochage. Ajoutons que le dispositif immersif éloigne des bruits de fond numérique. Être dans un monde numérique de formation coupe des sollicitations extérieures qui construisent la culture du "zapping" (lire ses mails, consulter ses messages sur Facebook, surveiller ses tweets). L'immersion favorise le tutorat en permettant de se concentrer sur l'essentiel, évoquer ses difficultés de formation. En disant cela, j'élude volontairement la question de la difficulté pour l'apprenant d'identifier et d'exprimer ses difficultés, il s'agit là d'une autre question.


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        Évoquer les interventions tutorales sur le plan motivationnel, même si l'on est dans un registre différent, c'est ouvrir la question du contexte socio-affectif immersif. L'approche en   monde virtuel nécessite des compétences manipulatoires fortes (maîtrise du navigateur, avatar, boite directionnelle, vue subjective, gestion de l'espace, des gestes ... Le technique conditionne ici l'acquisition des savoirs. A distance l'apprenant peut éprouver un sentiment de solitude technologique tout en étant en situation d'interaction sociale. 


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        (1) Le recensement des usages que je suis en train d'effectuer me montre que les expériences sont encore largement le fait de passionnés. La chaîne de formation avec partage des compétences est à créer. Le monde virtuel semble faire l'objet d'observations institutionnelles mais les engagements ne sont pas encore au rendez- vous.