mardi 30 août 2011

Ressorts d’engagement et interventions tutorales sur le plan motivationnel. Par Jacques Rodet


Ressorts d’engagement et interventions tutorales sur le plan motivationnel : quelques remarques sur les jeux sérieux et pistes de réflexion sur les mondes virtuels.


Christelle Mariais, Florence Michau, Jean-Philippe Pernin, Nadine Mandran dans leur récente publication intitulée « Learning Role-Playing Games » : méthodologie et formalisme de description pour l’assistance à la conception » proposent une méthodologie de conception de « Learning Role-Playing Game » (LRPG), basée sur l’explicitation des ressorts de jeu et la réutilisation de scénarios.

Les 7 ressorts d’engagement dans un jeu qu’ils identifient en s’appuyant initialement sur les 4 proposés par Caillois en 1958 dans « Les jeux et les hommes » sont les suivants :

• être en compétition
• être soumis au hasard
• jouer un rôle
• perdre le contrôle
• relever un défi individuel
• être reconnu
• agir collectivement

Je ne souhaite pas ici, décrire plus avant leur méthode qui est exposée de manière très claire dans leur article. Il suffit de préciser que cette méthodologie s’adresse aux concepteurs. Notons que de par leurs fonctions, il échoit à ces derniers de concevoir également les activités de support à l’apprentissage sur tel ou tel plan (cognitif, motivationnel, socio-affectif et métacognitif), et donc de prévoir les interventions tutorales dont les joueurs-apprenants sont susceptibles de bénéficier. Je m’intéresse ci-dessous plus particulièrement à celles concernant le plan motivationnel.

Si les ressorts sont en eux-mêmes des éléments actifs sur la motivation des joueurs-apprenants, il semble utile néanmoins de prévoir certains scénarios tutoraux pouvant pallier l’inefficacité ou une efficacité amoindrie de tel ou tel ressort sur tel ou tel joueur-apprenant.

Il est probable que certains joueurs-apprenants ne soient pas motivés par une mise en compétition avec leurs pairs même sous couvert d’un jeu. De même, les individus qui ont une personnalité les amenant à être en situation de contrôler le plus possible leur environnement seront probablement rétifs aux jeux les soumettant au hasard et à la perte de contrôle. Afin de permettre à ces individus de comprendre et d’accepter l’intérêt et les conditions initiales du jeu, mais aussi parfois pour entériner leurs refus, il sera nécessaire de leur proposer de manière proactive, par l’intermédiaire d’un tuteur-médiateur, c’est-à-dire un tuteur humain et non pas seulement une ressource, un espace de dialogue, support à des actions relevant de la conduite du changement (identification des freins et des impacts, co-élaboration de solutions, communication et formation…).

Ceci me semble assez incontournable pour un parcours de formation entièrement constitué par un jeu mais plus encore dans le cas d’un dispositif hybride où le jeu ne correspond qu’à un module où une séquence du parcours de formation.

Il est à noter également que certains de ces ressorts ne peuvent être utilisés simultanément sans mettre l’apprenant face à des injonctions motivationnelles paradoxales. Il est par exemple, contradictoire d’encourager la collaboration tout en mettant les individus en compétition les uns avec les autres bien qu’il soit possible de mettre en compétition des équipes de joueurs-apprenants dont le fonctionnement interne est collaboratif. De la même manière les ressorts « jouer un rôle » et « être reconnu » sont en tension tout comme « être soumis au hasard » et « relever un défi individuel », donc déterminé. Certains ressorts s’excluant ou étant difficilement compatibles, le concepteur doit effectuer des choix. Ceux-ci, quels qu’ils soient, non aucune chance de convenir à tous les joueurs-apprenants potentiels. Il est donc fort probable que certains d’entre eux ne soient que médiocrement motivés par tel ou tel ressort privilégié. Dès lors, ce sont bien des interventions tutorales sur le plan motivationnel qui sont susceptibles de répondre aux besoins de ces personnes.

A travers ce billet, m’appuyant sur une et une seule des propositions de Christelle Mariais, Florence Michau, Jean-Philippe Pernin et Nadine Mandran, j’ai essayé de montrer que les ressorts d'engagement dans un jeu sérieux ne peuvent suffire à tous les joueurs-apprenants et que certaines interventions sont à mener par un tuteur.



Si comme le montre ce schéma ci-dessus de Jean-Paul Moiraud, le jeu sérieux et les mondes virtuels ne se confondent pas, ces auteurs nous montrent un chemin à parcourir consistant à identifier les ressorts d’engagement dans un dispositif de formation au sein d’un monde virtuel. A partir de cet inventaire, il serait possible d’examiner comment compléter ou combiner ces ressorts d’engagement par des interventions tutorales sur le plan motivationnel. Il est bien possible que Jean-Paul Moiraud ait déjà quelques réponses…

dimanche 28 août 2011

De l'influence des mondes virtuels de simulation et des serious game sur le tutorat. Par Jean-Paul Moiraud

Crédit Photo - Service ICAP - Lyon 1

Nous sommes en train d'assister à un renouveau des utilisations des mondes virtuels. Terminée l'époque des navigations stériles dans des mondes vides. Le monde de la formation bruisse de toute part de projets construits. L'apparition, de ce que je qualifie, de mondes virtuels de simulation interroge à distance, à la fois les usages pédagogiques des serious games (jeux sérieux) et les caractéristiques du tutorat en immersion.

Christophe Batier nous a demandé de visionner le spiral news n°15 qui traite du serious game développé par le GNFA (groupe national formation automobile ) pour la formation des garagistes.

Pour mieux cerner le document vidéo qui servira de base à mon analyse, j'ai transcrit quelques passages significatifs.

Christophe Lobert - Pôle média et système d'informations

"Nous avons un projet très innovant, qui est la virtualisation de la formation automobile. Cela consiste à modéliser un garage et de permettre aux utilisateurs de se donner rendez-vous dans les garages et ensuite de faire une formation en ligne temps réel." (Christophe Lobert in spiral news N°15 - A partir de 2 minutes 47)

Roland - Pôle développement projet 3D, serious game

CB "Le but du jeu c'est de faire un garage virtuel pour que les gens qui sont là pour apprendre se déplacent dans le garage, retrouvent les véhicules et les schémas, déplacent les objets techniques ..."

R. - "[Le but], ça va être de donner à l'apprenant, au futur garagiste la reconstitution de son poste de travail, la plus précise possible suivant ce que l'on veut lui faire apprendre. C'est aussi l'ensemble des outils, j'entends par là aussi les outils de diagnostic, qui sont des logiciels que l'on branche sur les voitures. C'est aussi la reproduction des comportements des logiciels." (Roland . Spiral News N° 15 - A partir de 7 minutes 58)

Christian Plantadis - Pôle pédagogie, serious game

CB " Toi tu t'intéresses plus à la partie pédagogique. Quel est le rôle du formateur dans le dispositif ? Comment peut-il intervenir ? Quels sont les scénarios que l'on peut proposer ?"

CP "C'est la phase élaboration du dispositif. On a organisé les moyens permettant de déterminer le contenu, le scénario et les méthodes pédagogiques permettant de déterminer le prototype. C'est l'apprentissage du serious game"

CB "Est ce que ton travail consiste à déterminer les types de compétences que l'on peut transposer dans le dispositif "

CP " Le parti pris c'est de traiter les problématiques de compétences professionnelles et donc de ne pas avoir de partis pris sur une compétence qui ne pourrait pas être développée." (Christian Plantadis. Spiral News N° 15 - A partir de )


Crédit Vidéo ICAP - Lyon 1

Le reportage n'évoque pas explicitement la notion du tutorat (le terme n'est pas prononcé). Pourtant, il est présent en filigrane, c'est à ce titre que je me pose la question suivante : y a t-il une stratégie identique pour les formations qui instrumentent un serious game et celles qui instrumentent, une forme particulière des mondes virtuels, le monde virtuel de simulation ?

Les deux solutions ont un objectif commun ; permettre aux acteurs d'un dispositif d'apprentissage de se former, d'apprendre, d'acquérir des compétences. La reproduction numérique de situations spécifiques scénarisées met les apprenants en situation d'interaction.

Alors même que les solutions semblent proches, y aurait-il, c'est une hypothèse, un impact de la solution technologique retenue sur le mode de tutorat ? Je resterai dans le cadre de mon champ "de recherche" en analysant les contours techniques des mondes virtuels et des serious games, leurs possibles intersections, leurs éventuelles exclusions.

Il est nécessaire préalablement de cerner les notions de serious game et de monde virtuel de simulation.

Julian Alvarez, donne la définition suivante du serious game dans sa thèse intitulée "Du jeu vidéo au serious game , approches culturelle, pragmatique et formelle" (17 décembre 2007)

Un défi cérébral, joué avec un ordinateur selon des règles spécifiques, qui utilise le divertissement en tant que valeur ajoutée pour la formation et l’entraînement dans les milieux institutionnels ou privés, dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité civile, ainsi qu’à des fins de stratégie de communication.” (Michael Zyda in From visual simulation to virtual reality to games - Septembre 2005 - Extrait de la thèse page 7)

"Il s’agit d’applications informatiques, réalisées par "des développeurs, des chercheurs, des industriels, qui regardent comment utiliser les jeux vidéo et les technologies associées en dehors du divertissement" (Ben Sawyer, mai 2007 - Extrait de la thèse page 8)

Julian Alvarez propose une fusion des définitions.

"En nous inspirant des écrits de Zyda et des propos de Sawyer, dont les approches semblent compatibles, nous proposons de les fusionner. Par cette démarche, nous proposons, pour le moment, la définition globale suivante pour "serious game" (jeu sérieux) :

Application informatique, dont l'objectif est de combiner à la fois des aspects sérieux (Serious) tels, de manière non exhaustive, l'enseignement, l'apprentissage, la communication, ou encore l'information, avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (Game). Une telle association a donc pour but de s'écarter du simple divertissement
." (Julian Alvarez - 2007, Thèse p. 9)

Je tente à l'heure actuelle de cerner les contours du monde virtuel de simulation, c'est-à-dire un espace immersif en 3D dans lequel on peut simuler une activité. Ce travail n'est pas encore stabilisé, je propose ici une première esquisse.

Le monde virtuel de simulation est une modalité pédagogique particulière des mondes immersifs. Les concepteurs et les acteurs déconstruisent leurs repères physiques, sociaux et cognitifs du réel pour les reconstruire dans l'espace 3D de formation.

Le pilier central de ce monde est l'avatar. Qu'est ce qu' un avatar ? Je citerai un passage du roman (prémonitoire) de Neal Stephenson publié en 1992, "le samourai virtuel" (Snowcrash en anglais) :

"Ce ne sont pas des gens réels qu'il voit, naturellement, mais des animations créées par son ordinateur conformément aux spécifications fournies par le câble en fibre optique. Ces gens sont des programmes appelés avatars. Ils représentent le corps audiovisuel qu'une personne utilise pour communiquer avec les autres dans le métavers" (Neal Stephenson, Éditions Robert Laffont - 1992)

Dans les pratiques immersives, l'avatar est un personnage en 3D qui représente un individu. Il exerce une réelle activité humaine, il parle, il est doté d'une gestuelle, il marche, il vole, il possède une garde robe. Il a un statut social. Derrière chaque avatar, un humain agit, interagit avec son environnement. Il ne faut pas confondre l'avatar avec le bot. Ce dernier communique avec son environnement en fonction d'un programme informatique spécifique.

Je propose la définition suivante.

Le monde virtuel de simulation est un monde en trois dimensions (3D) créé à l'aide d'un logiciel et d'une programmation spécifiques. Le monde est en général une représentation de lieux réels mais il peut être aussi une construction purement imaginaire élaborée dans le cadre d'une démarche plastique. Il permet à un groupe de personnes éclatées géographiquement et placées en situation immersive d'interagir. Les acteurs du dispositif peuvent, à l'aide d'avatars, d'objets ou d'une vue subjective, parler, écrire, gérer des attitudes corporelles, se déplacer, y compris en s'affranchissant les lois physiques du monde réel. Le groupe constitué partage un intérêt commun, défini dans un projet élaboré de façon formelle. Les apprenants seront mis en situation d'acquisition de savoirs et de compétences en reproduisant des situations du réel. Les situations sont reproductibles à l'infini, elles permettent d’analyser des situations simples (des routines) ou extra – ordinaires. Le monde virtuel de simulation combine des constructions scénarisées au service d'enjeux d'enseignement et d'apprentissage.


Le monde virtuel en tant qu'instrument de simulation et le serious game ont des frontières communes. Pour autant, les enjeux du tutorat sont-ils identiques ?

J'aborderai cette analyse sous l'angle du temps. Jacques Rodet dit dans un billet " Un thème cher à Jean-Paul, celui du temps, peut nous aider à avancer sur cette question du tutorat à distance et mondes virtuels. Non pas le temps consacré à telle ou telle intervention tutorale, encore que cela doive être défini le plus précisément possible, mais le temps chronologique : à quel moment procéder à telle intervention tutorale ?"

Nous sommes au cœur de la question, et c'est là où je ne partage pas complètement l'avis de Jacques Rodet qui pose l'hypothèse que "les interventions tutorales doivent se dérouler avant
et après" mais pas pendant car elle risquerait de "signifier l’arrêt ou la suspension de la situation vécue".

Le tutorat immersif se justifie t-il pendant le temps de formation ? Oui pour les mondes virtuels de formation, non pour le serious game ?


Le tutorat dans les serious game et dans les mondes virtuels immersifs

Il me semble, j'essaierai de l'analyser cette année, que l'intérêt des mondes virtuels de simulation est de permettre au tuteur de s'immerger avec l'apprenant pour le guider dans l'acte d'apprentissage (ce qui n'exclut pas l'avant et l'après). Je vois un apport, une valeur ajoutée là, ou Jacques Rodet voit la suspension (rédhibitoire) de la situation vécue. Faut-il évacuer le tutorat de la phase de formation active ou faut-il se pencher sur l'émergence d'une nouvelle forme de tutorat, adaptée à cette séquence ? Dans cette hypothèse la grille de lecture devra être la base d'analyse pour une séquence à définir du tutorat. Nous nous proposerons de l'étudier dans de futurs billets.

Pour étayer mon propos je vais m'appuyer sur le témoignage de Laurent Gout qui est urgentiste et formateur en médecine d'urgence dans le monde virtuel second Life. Je n'ai pas la prétention de penser qu'un témoignage à valeur de généralité mais cet usage à valeur de piste de réflexion à suivre.

"
Un deuxième partie à ce cours beaucoup plus dynamique avec un véritable scénario pédagogique, sur le thème de la soirée qui était les grands brulés. Nous avons mis tous les acteurs de la soirée qui étaient présents dans la salle de cours au creux de l'action, au cœur de l'action et ils se sont retrouvés face à une maison en flamme, face à une victime qui en était extraite, au milieu des camions des pompiers et de l' action des secours. A côté d'eux la personne qui faisait l'exposé et qui faisait la présentation, qui en temps réel leur posait des questions, qui leur demandait de réagir et ce qu'ils auraient fait dans ce cas là."


Crédit Vidéo Jean-Paul Moiraud (2011)

Dans un monde immersif de simulation il me semble donc indispensable de penser le tutorat pendant la période de formation. Quand peut-on interrompre l'apprenant ? Quel type de dialogue instaurer, comment gérer les phases de retour en arrière sur situation ? Comment intervenir sans démotiver ? Comment motiver ? ... J'aurai l'occasion de faire des propositions.
Si cette piste de réflexion questionne l'aspect temporel de tutorat, elle inscrit en toile de fond la nature de la discipline enseignée, la nature de la formation à un métier. Je ne souhaite pas ici développer cette thématique mais on peut effleurer la question en l'inscrivant dans notre horizon réflexif. Il est possible, c'est une hypothèse, que le couple métier/ compétences soit plus adapté au tutorat immersif synchrone que l'approche purement disciplinaire.

Ce billet est un début de réflexion. Il pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses.
Cette démarche voulue enracine les bases des futurs dialogues avec Jacques Rodet


PS : Nous sommes bien évidemment attentifs aux commentaires qui pourraient venir des tuteurs du GNFA.


mercredi 24 août 2011

Apprendre comment fonctionne un monde virtuel. Par Jean-Paul Moiraud

Apprendre, enseigner et tutorer dans les mondes virtuels, c'est commencer par s'approprier l'environnement, ses outils et les différentes fonctionnalités. Il existe sur second Life un monde nommé Change CSL for a better RL. Les concepteurs (la conceptrice) du monde propose(nt) plusieurs modalités d'apprentissage :


  • Un espace d'autoformation constitué par de nombreux panneaux explicatifs. On peut y circuler, prendre le temps de lire, tester en fonction des besoins du moment. On peut aussi chevaucher une chenille qui vous guidera sur un parcours assisté.

  • C'est aussi (peut être surtout) un espace de dialogue synchrone. Vous pouvez être guidé par un formateur en présentiel. J'ai eu le plaisir de rencontrer fraisetagadatsointsoin qui m'a organisé une visite personnalisée.

Il est nécessaire d'adhérer à une charte que vous pouvez consulter ici

Lors de votre visite, pensez à utiliser la fonction IM pour que toutes les personnes présentes puissent profiter des questions et des réponses. De toute façon la gentillesse et l'efficacité de Fraise Tagadatsointsoin suffiront à vous rendre autonome.

Glossaire

Build - construire

Builder - personne qui construit dans les mondes virtuels

Fraise tagadatsointsoin - Nom d'un avatar. Chaque avatar est identifié par un nom. Le mien (Jean-paul Moiraud) est observer Teacher, celui de Jacques Rodet est Rojajaro.

Freebies - Des objets gratuits

IM - Instant Messaging, messagerie instantanée, chat

L$ - Linden dollar, la monnaie de Second Life

Résident - Un utilisateur de second life est appelé résident

RL - Real life (la vie en dehors de mondes immersifs) par opposition la vie immersive est nommée inworld.

Script - Programmation

SL - Second Life


Procédure pour aller dans le mondes virtuel Second Life

Ouvrir un compte sur second life et téléchargement du navigateur.

Quelques images de ce lieu de formation et de partage collaboratif

Grille de description d'une intervention tutorale. Par Jacques Rodet

Une autre manière de réfléchir sur le tutorat à distance dans les mondes virtuels serait de décrire les interventions tutorales qui s'effectuent au sein d'une formation dans un monde virtuel. Pour cela, le modèle de conception d'une intervention tutorale que j'ai proposé (cf. billet), pourrait servir non plus de manière prescriptive mais au contraire descriptive d'une situation existante.

  • Qui sont les acteurs impliqués lors de l'intervention ?
  • Quel est l'objectif de l'intervention ?
  • A quel type de tutorat se rattache-t-elle ?
  • Quels sont les champs de support à l'apprentissage concernés ?
  • Selon quelles modalités l'intervention se déroule-t-elle ?
  • Quelle est la place et la fréquence de cette intervention dans le scénario pédagogique ?
  • L'intervention tutorale est-elle l'occasion de la rédaction de commentaires et de conseils par le tuteur pour faciliter ses interventions futures ?
  • L'intervention tutorale fait-elle l'objet d'une capitalisation par le recours à des métadonnées en permettant le classement ?

lundi 22 août 2011

Tutorat à distance et mondes virtuels : préalables et hypothèses. Par Jacques Rodet

Suite à la causerie qui nous a réunis Jean-Paul Moiraud et moi avec Christophe Batier (cf. vidéo), Jean-Paul a proposé une typologie d’usages des mondes virtuels (cf. billet) où il distingue :
  1. Le monde virtuel comme une reproduction d’un lieu de formation
  2. Le monde virtuel comme un instrument de simulation d’une réalité
  3. Le monde virtuel comme environnement cognitif
  4. Le monde virtuel comme espace de co-construction de connaissances

Ainsi que le fait Jean-Paul, il est possible de s’interroger sur les modes de tutorat à distance les mieux adaptés à ces usages des mondes virtuels.

Au préalable, il est à noter que si le dispositif n’est pas neutre sur la détermination des services tutoraux à disposition des apprenants, l’orientation pédagogique du ou des concepteurs, de l’institution, et la place accordée à l’apprenant dans son processus formatif sont certainement davantage décisives.

Un autre préalable consiste à distinguer parmi les différentes formes de tutorat à distance tant le singulier est réducteur des différentes modalités d’aide, de soutien, de support à l’apprentissage.

A titre d'exemple, les formes de tutorat à distance qu’il est possible d’observer à l’université de Rennes 1 au sein du Master MFEG (cf. billet) sont les suivantes :

  • Tutorat-programme
  • Tutorat-cours
  • Tutorat technique
  • Tutorat administratif
  • Tutorat projet
  • Tutorat pairs

Le dernier préalable est de qualifier les plans de support à l’apprentissage qui sont à investir par le tutorat. Ainsi que je l’indiquais lors de la causerie, je distingue les plans cognitif, motivationnel, socio-affectif et métacognitif (Cf. sélection de billets)

Quels tutorats à distance pour quels usages des mondes virtuels ?

Cette question est légitime bien que la réponse soit peu aisée à formuler au vu des préalables énoncés plus haut mais aussi par rapport à une inconnue qui est la place du monde virtuel dans le dispositif de formation. Celui-ci s’y réduit-il entièrement ? Tel usage du monde virtuel est-il au contraire une des composantes d’un parcours (grain, module, activité…) ? S’inscrit-il dans un scénario pédagogique plus général ?

Dans le cas où seul le monde virtuel est utilisé, il est possible de déterminer les services tutoraux en fonction de ses caractéristiques. Possible mais pas suffisant, tant la prise en compte des besoins d’aide des apprenants m’apparait à privilégier lors de l’ingénierie tutorale.

Dans le cas où le monde virtuel est un élément de la formation, il est fort probable que le dimensionnement du tutorat à distance soit fonction non pas de la seule spécificité du monde virtuel mais bien plus des caractéristiques et orientations générales du dispositif.

Le temps, comme clé d’entrée ?...

Un thème cher à Jean-Paul, celui du temps, peut nous aider à avancer sur cette question du tutorat à distance et mondes virtuels. Non pas le temps consacré à telle ou telle intervention tutorale, encore que cela doive être défini le plus précisément possible, mais le temps chronologique : à quel moment procéder à telle intervention tutorale. Pour cela, je propose d'utiliser un premier tamis temporel assez grossier avant, pendant et après la séquence en monde virtuel

Les interventions tutorales avant l’usage du monde virtuel auraient pour but de préparer l’apprenant. Si la nécessité d’un tutorat technique est évidente, les autres plans de supports ne seraient pas à négliger non plus.

Les interventions tutorales pendant visent à permettre à l’apprenant « d’avancer » (et l’on sait que cette notion est plurielle dans les mondes virtuels) dans la situation formative. Intervenir sans excès, de manière proactive et réactive, en ayant pour objectif que l’apprenant puisse poursuivre l’expérience vécue.

Les interventions tutorales après semblent devoir être davantage centrées sur le plan métacognitif permettant à l’apprenant d’évaluer son vécu et ses apprentissages et de poser sur lui-même, en tant qu’apprenant, un regard distancié l’autorisant à dégager des pistes d’améliorations futures dans le recours et la mise en œuvre de ses stratégies cognitives.

Au vu de cela, j’émets les hypothèses suivantes, qui visent plus à nourrir les échanges qu’à être des bonnes pratiques et encore moins des prescriptions que seuls les usagers des mondes virtuels pourraient dégager de leurs vécus.

Pour « Le monde virtuel comme une reproduction d’un lieu de formation », des interventions tutorales sont à prévoir tout comme dans d’autres formes de mise à distance de la formation avant, pendant et après l’action formative.

Pour « Le monde virtuel comme un instrument de simulation d’une réalité » il semble que les interventions tutorales doivent se dérouler avant et après. En effet, les interventions pendant ne risquent-elles pas, de manière rédhibitoire, signifier l’arrêt ou la suspension de la situation vécue ?

Pour « Le monde virtuel comme environnement cognitif », les interventions tutorales pendant devraient être conçues comme des ressources de l’environnement immersif. Les interventions avant et après pourraient être plus classiques.

Pour « Le monde virtuel comme espace de co-construction de connaissances » il semble naturel de privilégier le tutorat par les pairs bien que celui-ci puisse ne pas être suffisant. Les interventions tutorales avant et au début du pendant pourraient donc viser l’émergence puis le fonctionnement régulier du tutorat par les pairs. Les interventions pendant et après seraient prises en charge par les pairs. La question de la supervision par l’institution de ce tutorat ne risque-t-elle pas d’être dimensionnée par la capacité de celle-ci à investir le monde virtuel ? Ne demandera-t-elle pas alors aux groupes d’apprenants collaborant des productions habituelles et non virtuelles ?

Typologie des usages pédagogiques en monde virtuel. Par Jean-Paul Moiraud



La causerie grand format avec Christophe Batier et Jacques Rodet outre qu'elle fut un moment agréable est a posteriori un outil d'analyse fantastique puisqu'elle me permet de (re)écouter et d'analyser. Christophe Batier, à propos de la structure des mondes virtuels dit la chose suivante (voir vidéo N°1) :

"Toi dans ton travail, les étudiants écoutent, discutent, écoutent le prof, peuvent discuter entre eux. Nous étions au MIT en février, on a monté un projet avec eux que l'on a mis en place à Lyon. Les profs avaient développé des applets 3D autour des champs magnétiques. exemple il y a des aimants qui se baladent, ça fait des champs magnétiques. L'idée est que les étudiants peuvent manipuler les champs magnétiques, se promener dedans, il y a interaction avec l'environnement" - Christophe Batier (2011)
L'analyse de Christophe est intéressante au sens où elle pose la question de la structure des mondes virtuels en fonction des besoins pédagogiques exprimés. On peut essayer, à partir de là, d'esquisser une typologie d'usages.

  • Le monde virtuel comme instrument de formation en ligne, un lieu immersif de reproduction du lieu de formation. Mes cours sont de ce type. Les besoins exprimés sont de l'ordre spatial et temporel, le monde virtuel permet de gérer les interactions humaines pour un groupe géographiquement éclaté. L'inconvénient de la dispersion des compétences peut être résolu via les réseaux. Ce blog regorge d'exemples et d'analyses sur ce point
  • Le monde virtuel comme instrument de simulation - Le monde virtuel est paramétré pour que les acteurs simulent des situations du réel "possibilité de recréer des situations exceptionnelles pour mettre en situation des gens face à des situations qu'ils rencontreront rarement" Laurent Gout (2011). Le monde ne se substitue pas à l'acquisition de routines dans la vraie vie mais il permet d'anticiper des situations atypiques sans conséquences effectives IRL. Le monde virtuel permet d'analyser des situations extra - ordinaires par un procédé de répétition et d'analyse par retour en arrière (voir vidéo N° 2). Le monde dentallife s'inscrit dans cette dynamique de simulation ainsi que la salle d'urgence de l'impérial college of London.
  • Le monde virtuel comme lieu d'immersion dans un élément de savoir, comme processus spécifique. Les acteurs sont immergés dans une représentation du savoir (exemple des champs magnétiques) et interagissent avec l'environnement. Il semble qu'il soit possible, à ce stade, de croiser les travaux de ceux qui œuvrent dans les mondes virtuels et ceux qui développent des systèmes 3D.
  • Le monde virtuel comme instrument de co-construction des savoirs - Dans certains domaines il est possible d'utiliser le monde virtuel comme lieu de construction de concepts. L'exemple de collaboration entre une université américaine et une université Égyptienne est un bon exemple :
"Visionaries like Dr. Amr Attia from Cairo’s Ain Shams University and California-based architect David Denton, have volunteered countless hours and joined forced with Kara Bartelt at the USC School of Architecture to organize this project, with modest support pledged from the United States Department of State to realize Obama’s ‘Kansas to Cairo’ vision – a project they first discussed at a panel hosted by the State Department last June (read more about this architectural panel held in Second Life on america.gov or watch video coverage here)." Source (Credit) Arch virtual

On dépasse le cadre classique du cours frontal immersif distant, ou l'immersion dans un concept immersif déjà construit pour entrer dans le domaine de la co-construction entre enseignants et apprenants. Le monde virtuel est LE lieu de création.
Je pense, mais cela reste à démontrer, que les modes de tutorat sont à adapter aux modes de représentations virtuelles. Jacques Rodet doit pouvoir répondre de façon savante à mon affirmation largement péremptoire à ce stade de l'analyse.
Cette première analyse n'est en rien exhaustive, je compte affiner le propos dans les mois à venir.

Vidéo N° 1



Vidéo N° 2




dimanche 21 août 2011

Génèse du blog





Tout commence en juillet 2011, à Lyon par une causerie grand format sur le tutorat dans les mondes virtuels.

Une envie de se rencontrer dans la vraie vie, après avoir longuement dialogué et parfois collaboré via les réseaux numériques. Le catalyseur de cette rencontre est Christophe Batier , directeur Technique du service ICAP, qui nous a invité à dialoguer IRL (in the real life) sur le campus de la Doua (Villeurbanne - 69).

Une causerie grand format a été réalisée, dialogue à trois sur le tutorat dans les mondes virtuels (vidéo ci-dessous).

Nous aurions pu en rester là, fort des souvenirs d'une journée de vacances/travail fort agréable, d'un repas délicieux, du plaisir de s'être rencontré mais ... sans s'être concerté nous (Jean-Paul Moiraud et Jacques Rodet ) avons prolongé cette journée en rédigeant deux billets. Une forme de dialogue croisé via nos blogs respectifs.

Jean-Paul Moiraud dans son billet interpellait à distance Jacque Rodet en écrivant :

"Je pense, mais cela reste à démontrer, que les modes de tutorat sont à adapter au mode de représentations virtuelles. Jacques Rodet doit pouvoir répondre de façon savante à mon affirmation largement péremptoire à ce stade de l’analyse."

Jacques Rodet lui répondait à distance, dans un billet intitulé "Tutorat à distance et monde virtuel"

Assez naturellement, sans se concerter à l'excès, nous avons décidé de continuer ce dialogue dans ce blog. Puisse t-il se révéler fécond.


La causerie grand format Juillet 2011 @batier, @jrodet, @moiraud