lundi 22 août 2011

Tutorat à distance et mondes virtuels : préalables et hypothèses. Par Jacques Rodet

Suite à la causerie qui nous a réunis Jean-Paul Moiraud et moi avec Christophe Batier (cf. vidéo), Jean-Paul a proposé une typologie d’usages des mondes virtuels (cf. billet) où il distingue :
  1. Le monde virtuel comme une reproduction d’un lieu de formation
  2. Le monde virtuel comme un instrument de simulation d’une réalité
  3. Le monde virtuel comme environnement cognitif
  4. Le monde virtuel comme espace de co-construction de connaissances

Ainsi que le fait Jean-Paul, il est possible de s’interroger sur les modes de tutorat à distance les mieux adaptés à ces usages des mondes virtuels.

Au préalable, il est à noter que si le dispositif n’est pas neutre sur la détermination des services tutoraux à disposition des apprenants, l’orientation pédagogique du ou des concepteurs, de l’institution, et la place accordée à l’apprenant dans son processus formatif sont certainement davantage décisives.

Un autre préalable consiste à distinguer parmi les différentes formes de tutorat à distance tant le singulier est réducteur des différentes modalités d’aide, de soutien, de support à l’apprentissage.

A titre d'exemple, les formes de tutorat à distance qu’il est possible d’observer à l’université de Rennes 1 au sein du Master MFEG (cf. billet) sont les suivantes :

  • Tutorat-programme
  • Tutorat-cours
  • Tutorat technique
  • Tutorat administratif
  • Tutorat projet
  • Tutorat pairs

Le dernier préalable est de qualifier les plans de support à l’apprentissage qui sont à investir par le tutorat. Ainsi que je l’indiquais lors de la causerie, je distingue les plans cognitif, motivationnel, socio-affectif et métacognitif (Cf. sélection de billets)

Quels tutorats à distance pour quels usages des mondes virtuels ?

Cette question est légitime bien que la réponse soit peu aisée à formuler au vu des préalables énoncés plus haut mais aussi par rapport à une inconnue qui est la place du monde virtuel dans le dispositif de formation. Celui-ci s’y réduit-il entièrement ? Tel usage du monde virtuel est-il au contraire une des composantes d’un parcours (grain, module, activité…) ? S’inscrit-il dans un scénario pédagogique plus général ?

Dans le cas où seul le monde virtuel est utilisé, il est possible de déterminer les services tutoraux en fonction de ses caractéristiques. Possible mais pas suffisant, tant la prise en compte des besoins d’aide des apprenants m’apparait à privilégier lors de l’ingénierie tutorale.

Dans le cas où le monde virtuel est un élément de la formation, il est fort probable que le dimensionnement du tutorat à distance soit fonction non pas de la seule spécificité du monde virtuel mais bien plus des caractéristiques et orientations générales du dispositif.

Le temps, comme clé d’entrée ?...

Un thème cher à Jean-Paul, celui du temps, peut nous aider à avancer sur cette question du tutorat à distance et mondes virtuels. Non pas le temps consacré à telle ou telle intervention tutorale, encore que cela doive être défini le plus précisément possible, mais le temps chronologique : à quel moment procéder à telle intervention tutorale. Pour cela, je propose d'utiliser un premier tamis temporel assez grossier avant, pendant et après la séquence en monde virtuel

Les interventions tutorales avant l’usage du monde virtuel auraient pour but de préparer l’apprenant. Si la nécessité d’un tutorat technique est évidente, les autres plans de supports ne seraient pas à négliger non plus.

Les interventions tutorales pendant visent à permettre à l’apprenant « d’avancer » (et l’on sait que cette notion est plurielle dans les mondes virtuels) dans la situation formative. Intervenir sans excès, de manière proactive et réactive, en ayant pour objectif que l’apprenant puisse poursuivre l’expérience vécue.

Les interventions tutorales après semblent devoir être davantage centrées sur le plan métacognitif permettant à l’apprenant d’évaluer son vécu et ses apprentissages et de poser sur lui-même, en tant qu’apprenant, un regard distancié l’autorisant à dégager des pistes d’améliorations futures dans le recours et la mise en œuvre de ses stratégies cognitives.

Au vu de cela, j’émets les hypothèses suivantes, qui visent plus à nourrir les échanges qu’à être des bonnes pratiques et encore moins des prescriptions que seuls les usagers des mondes virtuels pourraient dégager de leurs vécus.

Pour « Le monde virtuel comme une reproduction d’un lieu de formation », des interventions tutorales sont à prévoir tout comme dans d’autres formes de mise à distance de la formation avant, pendant et après l’action formative.

Pour « Le monde virtuel comme un instrument de simulation d’une réalité » il semble que les interventions tutorales doivent se dérouler avant et après. En effet, les interventions pendant ne risquent-elles pas, de manière rédhibitoire, signifier l’arrêt ou la suspension de la situation vécue ?

Pour « Le monde virtuel comme environnement cognitif », les interventions tutorales pendant devraient être conçues comme des ressources de l’environnement immersif. Les interventions avant et après pourraient être plus classiques.

Pour « Le monde virtuel comme espace de co-construction de connaissances » il semble naturel de privilégier le tutorat par les pairs bien que celui-ci puisse ne pas être suffisant. Les interventions tutorales avant et au début du pendant pourraient donc viser l’émergence puis le fonctionnement régulier du tutorat par les pairs. Les interventions pendant et après seraient prises en charge par les pairs. La question de la supervision par l’institution de ce tutorat ne risque-t-elle pas d’être dimensionnée par la capacité de celle-ci à investir le monde virtuel ? Ne demandera-t-elle pas alors aux groupes d’apprenants collaborant des productions habituelles et non virtuelles ?

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