jeudi 25 octobre 2012

Tutorat immersif, monde virtuel, Lan Pédagogique et invariants pédagogiques


Les analyses que nous menons dans ces colonnes nous donnent à observer ce qui se passe dans les autres équipes étudient les enjeux des espaces immersifs. Au mois de juin j'avais écouté la conférence de Samuelle Ducrocq Henri aux journées du e.learning organisées par Lyon 3 et la FDV (faculté de droit virtuelle).

Elle présentait  l'expérience menée avec un groupe d'étudiants pour apprendre à conduire. Un apprentissage instrumenté à l'aide du jeu vidéo GTA (grand Theft auto) de la société Rockstargame

Je laisse le lecteur visualiser les liens pour s'imprégner de la philosophie des scénarios de "Lan Party". J'aimerais évoquer dans ce billet, ce qui me semble être, l'émergence d'invariants du tutorat dans les mondes immersifs. Je souhaite (dé)montrer que les usages pédagogiques développés dans les mondes virtuels immersifs de type Second Life et ceux développés dans les jeux vidéos immersifs de type GTA sont soumis à des invariants pédagogiques.


Au-delà de la proximité visuelle des expériences il est nécessaire de sérier le champ d'analyse. Est-on sur le même terrain pédagogique ? Je propose de tenter de border l'espace conceptuel à la lumière de la grille de lecture que nous avons commencé à structurer.

Le jeux vidéo et le monde virtuel une définition commune (invariant conceptuel)
Nous avons commencé à ébaucher une définition pour ce que nous entendons par mondes virtuels. Nous nous appuyons sur les usages observés et les analyses conceptuelles de divers auteurs comme Antonio Casili et Marcello Vitali Rosatti.

Il en ressort que nous préférons utiliser le terme immersif au terme virtuel. Ce dernier nous paraît trop polysémique, entraînant dans son sillage des risques de confusion, voire de contresens.

Les jeux vidéos en réseau (soit par internet, soit par un réseau local) et les apprentissages instrumentés par la simulation dans les mondes virtuels semblent présenter des points communs :

  • Une communauté constituée autour d'un centre d'intérêt ;
  • Une interaction humaine qui s'exprime dans un environnement 3D spatialisé ;
  • Des interactions multiples entre les acteurs du dispositif ;
  • Un espace métaphorisé (la ville réduite résumée à ses lieux les plus emblématiques) ;
  • Une représentation avatarisée des apprenants ;
  • Une capacité de déplacement dans des lieux multiples pendant la phase d'apprentissage ;
  • Une possibilité de déplacement dans les trois dimensions (espaces terrestre, aquatique et aérien) ;
  • Une gestuelle complexe des avatars ;
  • Des interactions Hommes / Hommes ;
  • Des interactions Hommes / objets ;
  • Un scénario modulable et évolutif en temps réel.
Le(s) lieu(x) d'interaction (invariant spatial)


Le lieu physique d'accès au virtuel - "Lan party" Crédit photo SDH

Dans les scénarios de Lan Party et ceux des mondes virtuels les interactions se réalisent dans l'espace virtuel alors même que les individus sont physiquement présents dans un espace commun. Les deux photos ci-contre illustrent les similitudes entre l'expérience de conduite automobile instrumentée par le jeu vidéo et la simulation de médecine de catastrophe organisée par Laurent Gout à l'université de Toulouse (mai 2012).



Simulation de médecine de catastrophe - Crédit photo Laurent Gout (2012)
La différence notable est que Samuelle Ducrocq Henri observe les interactions dans le réel entre les acteurs du dispositif Lan party parce que la présence sur le même lieu est une des conditions de réalisation. Dans nos constructions nous avons envisagé la possibilité d'un public éclaté géographiquement mais réuni et interagissant dans l'espace immersif.

Les interactions "in the real life" et les "interactions inworld" (les invariants sociaux)

Dans un dispositif de jeu vidéo, l'apprenant est tributaire d'un scénario piloté par l'intelligence artificielle de la machine. C'est cette dernière qui conditionne les phases de jeu. Dans les dispositifs que nous évoquons ici, la part humaine prend le dessus.

Le monde que nous qualifions d'immersif à sa logique propre qui le différencie du monde réel. Dans l'immersif comme dans le réel les acteurs interagissent mais comme je l'ai indiqué précédemment l'immersion permet un grand nombre d'interactions de type :

 avatar / avatar - avatar / objet - avatar / environnement.

À la différence des interactions dans la vraie vie, les mondes immersifs augmentent les capacités relationnelles. Outre les relations sociales classiques (dialoguer, se saluer,écouter, exprimer ses sentiments...) il est aussi possible d'assister les apprenants à distance (au sol ou dans les airs), de suivre un apprenant dans une phase de déplacement / action ou de le suivre de façon rapprochée.

Dans les jeux vidéos immersifs, prenons le cas de GTA, il est possible de suivre l'apprenant dans une voiture, sur une moto, en hélicoptère ou de s'asseoir sur la banquette arrière.

Dans les deux cas de figure, les interactions sont dynamiques et par extension riches. Il appartient donc aux concepteurs des dispositifs de déterminer quelles seront les règles sociales qui vont prévaloir. Le scénario de Lan Party versus GTA est très intéressant de ce point de vue puisqu'il s'agit de respecter les règles du code de la route, là où le scénario initial consiste à s'inscrire dans une posture transgressive (passer au feu rouge, rouler très vite, prendre les sens interdits, percuter d'autres voitures, écraser les piétons, ne pas respecter les injonctions de la police....).

On comprendra tout l'enjeu du scénario sur les relations immersives. Dans les mondes virtuels on construit le scénario en bâtissant le monde, dans les jeux vidéos immersifs (Lan Party) on détourne le scénario initial.


Un besoin de tutorat (invariant tutoral)

Dans les deux modalités d'intervention en espace immersif l'objectif est orienté "game" plutôt que "play" ou, dit de façon autre, le jeu est au service d'un objectif d'apprentissage.

Un tutorat immersif, avec vue augmentée Crédit photo SDH


Dans les scénarios de Lan Pédagogique et ceux des mondes virtuels les interactions se réalisent dans l'espace immersif (ou virtuel) alors même que les individus sont physiquement présents dans un espace commun. Cet  apprentissage peut s'analyser à plusieurs niveaux :
  • L'auto apprentissage - L'apprenant est seul (ou en groupe) et il apprend
  • L'apprentissage en mode interactif - L'étudiant apprend sous la houlette d'un tuteur qui le chaperonne.
Dans les cas que nous évoquons ici le tutorat est central parce que le tuteur est aussi immergé dans le monde virtuel. Il interagit avec les apprenants à plusieurs moments :
  • Avant la séance de formation ;
  • Pendant la séance de formation ;
  • Après la séance de formation.  
 Dans le cas de la "Lan Party" comme dans le cas de la simulation de catastrophe les apprenants sont encadrés par des tuteurs immergés (que nous appelons avatuteurs). Ce nouveau type de tutorat nécessitera d'ajouter  aux compétences déjà isolées par Jacques Rodet d'autres plus spécifiques liées à l'existence de l'immersion :


  • Faut-il un ou plusieurs tuteurs ?
  • Faut-il limiter le tutorat dans l'espace immersif ?
  • Quelles sont les compétences de "jouabilité" du tuteur ?

Le tutorat en présentiel synchrone non immersif

Le tuteur et son élève - Crédit Photo SDH
La "Lan Party" telle que je l'ai compris à ce stade, me semble apporter un élément d'analyse supplémentaire par rapport aux simulations immersives. Le tutorat est pensé en immersion, après l'immersion et en mix réalité / immersion.

À ce jour nous avons peu abordé la question du tutorat post immersif puisque notre parti pris est la formation distante éclatée géographiquement. L'expérience de Laurent Gout en médecine de catastrophe démontre que la phase de "débriefing" est indispensable.Il est nécessaire d'expliquer aux apprenants quelle a été la montée en compétences, quels ont été les savoirs acquis et ceux qui ne le sont pas.

Dans les dispositifs de formation en mondes immersifs le débriefing peut s'effectuer aussi dans un espace immersif dédié ou en utilisant des outils de type forum, classe virtuelle ...

La lan party ajoute un invariant qui est la possibilité de mixer les modes de formation. Il est loisible de réunir des apprenants, des enseignants, des tuteurs dans un lieu signifiant mixte. Il offrira la possibilité de s'immerger dans le lieu de formation et de poursuivre une phase de tutorat dans le réel.




 Un immersif instrumenté dans le réel par des artefacts (invariant cognitif)

Les instruments des interactions (Les pédales) - Crédit photo SDH




Les instruments des interactions (Le volant) Crédit photo SDH





La vidéo de Samuelle Ducrocq Henri insiste par procédé du plan rapproché sur les outils utilisés pour la séance de jeu. Les stations de jeu sont équipées de volants et du kit de pédales de commandes.Les étudiants se retrouvent dans une situation cognitive proche de la réalité. Il n'est pas besoin de se former en amont aux manipulations parfois compliquées des mondes immersifs de type Second Life.Pour autant l'accès  au jeu vidéo ne supprime pas les contraintes d'ordre cognitifs. Les manettes de type Xbox supposent que les apprenants et les enseignants / tuteurs sachent maîtriser a minima un ensemble de commandes complexes pour gérer les gestes des avatars, leurs déplacements , les interactions, les déplacements des objets. La formation de générations "non digital native" suppose probablement de passer par une phase de formation au rapport instrument / actions dans l'espace immersif (je pars du postulat que ces dispositifs de formation s'adressent à un public large).Dans les mondes virtuels se sont des artefacts plus immatériels, comme les HUD (Head up display), les raccourcis claviers et les commandes des divers menus déroulants qui permettent d'agir sur le virtuel. Là encore le "ticket d'entrée" peut être onéreux pour certains acteurs. 


HUD d'un monde virtuel

Il me parait donc indispensable qu'en amont de toute formation de type immersif il y ait une montée en compétence des formateurs pour être apte à maîtriser les subtilités cognitives des artefacts de pilotage. A défaut de pris en compte de ces invariants c'est la surcharge cognitive qui menace et par extension un amoindrissement des effets de la formation.


Ces premiers éléments d'analyse méritent certainement une analyse plus poussée, gageons que la magie des réseaux nous permettra de pousser plus avant cette analyse.




















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Les supports à cette analyse


La vidéo mise en ligne par illustrine (haut du billet)
Les captations vidéos de la séance de simulation de médecine de catastrophe - Playlist youtube


lundi 10 septembre 2012

Le tutorat dans une situation de simulation immersive. Par Jean-Paul Moiraud


Nous avons précédemment défini dans ces colonnes une typologie des situations pédagogiques dans les mondes virtuels (1). Chacune d'entre elles induit un besoin plus ou moins fort de tutorat, la définition d'une scénario plus ou moins complexe. Le cours virtuel en ligne (cours distant synchrone construit sur une interaction immédiate avec l'enseignant) sera la construction la moins sophistiquée. La situation de  simulation immersive fruit de nombreuses interactions demandera la production de scénarios pédagogique et tutoral sophistiqués.

C'est cette dernière situation de formation que je propose de détailler dans ce billet, à la lumière des observations que j'ai réalisées au cours de l'année scolaire / universitaire 2011 / 2012 (2)

Construire une simulation dans un monde immersif (3) suppose de mettre en place une chaine pédagogique extrêmement complexe. Il s'agit de coordonner les activités des différents spécialistes de la formation en ligne (développeur, scénariste, administratifs, DSI, designer, tuteur ...) en adoptant un double mouvement simultané qui va du champ de spécialité de chacun vers l' approche transversale.

Je me limiterai ici à cerner les interactions induites par la posture de l'avatuteur (4) dans les dispositifs de simulation. Il est immergé dans l'espace virtuel avec ses apprenants, il est dans une situation "d'intériorisation pédagogique" (3)

Rappelons, en préliminaire, que la construction pédagogique immersive basée sur la simulation est de type béhavioriste. Les apprenants sont mis en situation d'acquérir des réflexes, des routines professionnelles. Notons que les autres constructions de notre typologie (5) relèvent d'autres champs théoriques. Nous y reviendrons dans d'autres billets.

Le scénario de formation par simulation immersive s'exerce DANS un environnement particulier, le monde virtuel. Nous avons commencé à définir ce concept pour essayer de le stabiliser, en dépassant le terme polysémique de virtuel. (6)

Le tutorat immersif dans un contexte de simulation oblige à mener  une réflexion relative à la  présence d'acteurs dans un univers virtuospatialisé. Les tuteurs auront pour objectif de suivre et accompagner les apprenants dans leurs diverses phases d'apprentissage (temps synchrone et asynchrone), de certification et de synthèse. Suivre avant, suivre pendant et suivre après.

- Un univers virtuospatialisé 

Les environnements 3D (type second life, opensims) permettent aux acteurs de se déplacer dans un univers signifiant. La scénarisation technique aura prévue un espace avec des lieux précis, objets d'apprentissage. Prenons pour exemple la simulation de médecine de catastrophe (op.cit). Y sont définis différents lieux (centre commercial, métro, hôpital, centre de régulation, PMA ...) dans lesquels les apprenants doivent se déplacer en fonction d'une trame pédagogique et y exprimer des interactions. Il est besoin de préciser que ces déplacements peuvent se réaliser au sol, dans les airs et en sous-sol. À la différence des autres modes de formation, le tuteur doit se mouvoir, à tout le moins suivre les mouvements des apprenants. Les mondes virtuels semblent faire émerger le concept de "tutorat cinétique".

- "Vous me suivez ?"


Représentation de déplacements dans un monde virtuel 
d'après l'expérience en médecine de catastrophe
Le langage imagé fait souvent dire au formateur, au tuteur, à l'adresse de ses étudiants "Vous me suivez ?". Les mondes virtuels donnent du corps à cette expression car le tuteur doit suivre ses (son) apprenant(s) dans l'environnement spatialisé. Nous sommes même dans un cas d'inversement de proposition. L'étudiant est en capacité de se poser la question suivante : "vous me suivez M le tuteur ?







- Des compétences cognitives à acquérir

Les espaces à investir

Le tuteur se met évidemment en situation de suivre les déplacements de ses apprenants, ce qui lui impose de maîtriser parfaitement l'environnement technologique et les fonctionnalités des avatars. Le suivi peut s'opérer de plusieurs façons :

- En déplaçant son avatar au sol, au sous sol et dans les airs (7) puisque la base du scénario s'appuie sur les fonctionnalités 3D des environnements ;
-  En utilisant la vue et l’ouïe  augmentées de l'avatar.

Quelque soit la solution retenue au moment de l'élaboration du scénario tutoral, le tuteur ne doit pas être ralenti, gêné par des problèmes cognitifs. Mon propos implique que le tuteur se soit formé en amont, ait affiné ses perceptions senso-motrices pour gérer son avatar, soit capable de régler son tableau de bord technique. On parlera de compétences avancées de la part du tuteur.

Il reviendra donc de définir quels sont les lieux où se positionnera le tuteur. On peut retenir trois postures pendant le temps de simulation :
  1. L'accompagnement de proximité, l'avatuteur suit son ou ses apprenants. Il  est présent sur la scène de formation et identifié comme tel ;
  2. L'accompagnement à distance par la vue et l’ouïe augmentées. Le tuteur suit son groupe à distance mais l'avatar est présent sur la scène de formation (immobilité corporelle et mobilité visuelle) ;
  3. L'accompagnement à distance par la vue et l’ouïe augmentées avec un avatar hors la scène de formation. Le tuteur choisit de se positionner dans un endroit neutre et se rend volontairement invisible.
- Un ou plusieurs tuteurs ?

La dynamique du mouvement que je viens d'évoquer nous oblige à nous poser la question du ratio tuteur / apprenant. Dans un dispositif de FOAD habituel, le tuteur peut gérer un nombre d'apprenants se conjuguant au pluriel. Dans le dispositif de simulation immersif la question est, me semble t-il, plus compliquée. Selon la temporalité de la formation (8) le nombre d'apprenants peut varier.
  • Dans le contexte d'apprentissage de la maîtrise des environnements, le tuteur peut aider plusieurs apprenants soit de façon synchrone virtualocalisée, soit de façon asynchrone en étant selon les circonstances réactif ou proactif. Laurent Gout (9) afin de rendre plus souple les périodes de formation à créé, en parallèle de second life, un espace sur Moodle pour aider ses apprenants. il est donc acceptable de penser que les apprenants s'inscrivent dans une démarche d'autoformation, à condition que la charte tutorale le spécifie expressément.
  • Dans la phase certification (10), le rôle du tuteur se transforme. Il peut difficilement suivre plusieurs avatars en même temps puisque le principe même du scénario pédagogique impose la mobilité. J'avance ici l'hypothèse que le scénario tutoral doit penser la posture du tuteur en fonction des catégories de situations mises en œuvre. 
    • Un apprenant qui est seul et se déplace fréquemment mobilisera un tuteur et un seul ;
    • Un groupe d'apprenants entrant en interaction et ayant les mêmes contraintes de mobilité pourra être suivi par un tuteur
Il me semble qu'il faut déterminer bien amont de phase de validation les rôles qui seront attribués aux acteurs du dispositif afin de pouvoir répartir les fonctions des tuteurs. Le procédé coercitif ne s'inscrit pas dans les démarches actuelles de la collaboration mais elle y gagne, me semble t-il, en efficacité.
  •  Dans la phase de synthèse, "le debriefing" - Une simulation immersive doit être prolongée par un temps de synthèse (le débreiffing). La simulation peut s’apparenter à bien des égard au "game" des jeux des sérieux. Il peut être utile de rejouer la situation. Dans les dispositifs de jeux sérieux, la présence d'un pilotage par une intelligence artificielle facilite le "replay". Dans un monde immersif la part de l'humain est dominante, il faut donc prévoir des systèmes pour "tracer" les actions.
    • Par la prise de notes, en remplissant de grilles d'évaluation par les  tuteurs et  restituées a posteriori ;
    • En se réservant le droit d'intervenir in situ auprès des apprenants, une forme de guidance immédiate, orale et synchrone ;
    • Par la réalisation de captations vidéos des actions des apprenants ;
    • Par une autoévaluation collective ;
    • Par un mix des solutions citées ci-dessus.
Mon propos sur la synthèse n'a de sens que si le scénario pédagogique a intégré les contraintes de l'avant et du pendant (11)


Cette première approche n'est que l'amorce d'une réflexion, elle doit se poursuivre par de nouveaux temps d'observations auprès des acteurs de la sphère virtuelle pédagogique. Il me semble que ce travail sera d'autant plus facilité que les divers acteurs que j'ai identifiés gagnent en expérience et en compétence. La capacité à gérer les scénarios tutoraux sont les enjeux futurs de la crédibilité pédagogique auprès des décideurs. Il convient de ne pas rater le rendez-vous
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(1) Typologie des usages pédagogiques en monde virtuel http://tutvirt.blogspot.fr/2011/08/la-causerie-grand-format-avec.html
(2) La simulation immersive dans le domaine des urgences médicales, le cas de l’université de Toulouse Paul Sabatier pour la capacité de médecine de catastrophe - "Urgences immersives et simulation – Se préparer virtuellement aux catastrophes du réel"http://moiraudjp.wordpress.com/2012/06/15/urgences-immersives-et-simulation/ Jean-Paul Moiraud (2012)
(3) Définition du monde immersif, telle que nous l'entendons dans nos réflexions http://moiraudjp.wordpress.com/2012/07/09/definition-du-monde-virtuel-lieu-pedagogique-immersif/
(4) L'avatuteur est la représentation du tuteur humain par son avatar virtualisé. 
(7) L’avatuteur en vol, posture à concevoir, Jacques Rodet http://tutvirt.blogspot.fr/2011/09/lavatuteur-en-vol-posture-concevoir-par.html 
(8) Les temps du tutorat dans des dispositifs de formation immersifs, Jacques Rodet http://tutvirt.blogspot.fr/2012/09/les-temps-du-tutorat-dans-des.html
(9) Urgentic http://urgentic.blogspot.fr/ 
(10) Pour des raisons liées à la nécessité de ne pas développer à l'excès le nombre d'intervenants, je pars du principe que le tuteur est aussi certificateur.
(11) "La temporalité complexe relative au scénario pédagogique et au scénario tutoral, Jacques Rodet) http://tutvirt.blogspot.fr/2012/09/les-temps-du-tutorat-dans-des.html
 


jeudi 6 septembre 2012

Les temps du tutorat dans des dispositifs de formation immersifs. Par Jacques Rodet


A quels moments les tuteurs doivent-ils intervenir auprès des apprenants évoluant dans un environnement virtuel et immersif de formation ? Cette question peut être traitée de plusieurs points de vue : 
  • la temporalité simplifiée d’une action de formation : avant, pendant, après 
  • la temporalité complexe relative au scénario pédagogique et au scénario tutoral 
  • l’intentionnalité des interventions, et partant des fonctions investies par les tuteurs 
La temporalité simplifiée d’une action de formation : avant, pendant, après 
Toute action de formation peut être modélisée temporellement selon trois phases que sont l’avant diffusion, le pendant la diffusion, l’après diffusion. Les dispositifs de formation s’appuyant sur la technologie et introduisant peu ou prou la distance investissent massivement l’avant. Ainsi, créer un monde virtuel demande des compétences informatiques et graphiques dont la mise en œuvre nécessite un temps initial important. Il est à noter que ce temps de préparation, de l’avant diffusion, est celui du concepteur et non des tuteurs. Il peut toutefois être fait appel à l’expérience des tuteurs pour remonter les besoins d’aide des apprenants auxquels le dispositif devra répondre. 

La temporalité complexe relative au scénario pédagogique et au scénario tutoral 
Les scénarios pédagogique et tutoral sont mis au point dans l’avant diffusion. Ils sont la plupart du temps confiés aux concepteurs. Toutefois, lorsqu’ils ne possèdent pas de compétences particulières en ingénierie tutorale (cf. billets sur l’ingénierie tutorale) les tuteurs sont de bonnes personnes-ressources pour concevoir, dimensionner et quantifier les interventions tutorales. Lors de la diffusion de la formation, les tuteurs interviennent de deux manières. D’une part, selon les préconisations du scénario tutoral, d’autre part, de manière plus réactive pour répondre aux besoins de soutien non anticipés des apprenants. Dans le cadre d’une formation en monde immersif, le tuteur peut adopter des postures particulières (cf. L'avatuteur en vol, posture à concevoir). Jean-Paul Moiraud a, par exemple, abondamment illustré la position en surplomb de la scène jouée par les apprenants (cf. Vidéo - Observer et tutorer les apprenants en altitude). Si cette situation peut être scénarisée, et à mon sens devrait l’être ne serait-ce que pour en donner la visibilité aux apprenants et ainsi échapper au simple voyeurisme, il est évident que les interventions que le tuteur entreprendra pendant la diffusion, dépendront fortement du vécu instantané des apprenants. Les interventions tutorales après la diffusion seront davantage destinées à faciliter la distanciation par rapport à la situation immersive vécue. 

L’intentionnalité des interventions, et partant des fonctions investies par les tuteurs 
Nous avons eu l’occasion de souligner que, plus qu’ailleurs, les interventions tutorales dans un monde immersif relevaient d’intentions (cf. Communication non verbale dans les mondes virtuels : le résultat d’une intentionnalité au risque d’une signification typée ?). Ainsi, les expressions corporelles de l’avatuteur sont bien la transcription d’une intention de la personne et ne sont plus en l’état une communication non verbale. Le caractère synchrone d’une communication en monde immersif ne doit pas faire penser que tout peut se jouer dans l’instant. D’autres situations de communication synchrones, telles que la classe virtuelle, montrent au contraire que la scénarisation est essentielle à leur bon déroulement. L’intentionnalité des interventions pose inévitablement la question des fonctions tutorales investies par les avatuteurs. Le fait que la formation se déroule dans un monde immersif ne joue pas sur la catégorisation de ces fonctions et des plans de support à l’apprentissage. (cf. Des fonctions et des plans de support à l’apprentissage à investir par les tuteurs à distance). 

Temporaliser les actions tutorales au sein d’un dispositif de formation dans un monde virtuel n’est pas forcément aisé mais est nécessaire. La temporalisation simple de l’avant-pendant-après l’action de formation se révèle insuffisante à cet égard. Il est nécessaire de procéder à une ingénierie de la temporalité complexe en s’appuyant sur le scénario pédagogique pour concevoir le scénario tutoral. Dès lors, les typologies utilisées en FOAD pour caractériser les fonctions et rôles des tuteurs sont à étudier pour mieux typer les différents profils d’avatuteurs. Il faut néanmoins reconnaître que les principaux obstacles à la temporalisation-scénarisation du tutorat dans les mondes virtuels tiennent au fait que le scénario pédagogique, lui-même, n’est pas toujours pleinement défini. Or, le support à l’apprentissage que constitue le tutorat est forcément intrinsèquement lié au parcours d’apprentissage. Il serait donc certainement utile de mettre au point des outils simples permettant au concepteur de formation dans un monde virtuel de bâtir ses scénarios pédagogique et tutoral. 

Illustration : Horloge 3D Monolith by Negrocode ; Design Studio Agence Design : Negrocobre  ; Designer : Emre Bakir & Mustafa Karakus

mardi 26 juin 2012

Typologie et scénarios

Reprise d'un billet de blog et son application vidéo

L'analyse de Christophe est intéressante au sens où elle pose la question de la structure des mondes virtuels en fonction des besoins pédagogiques exprimés. On peut essayer, à partir de là, d'esquisser une typologie d'usages.
  • Le monde virtuel comme instrument de formation en ligne, un lieu immersif de reproduction du lieu de formation. Mes cours sont de ce type. Les besoins exprimés sont de l'ordre spatial et temporel, le monde virtuel permet de gérer les interactions humaines pour un groupe géographiquement éclaté. L'inconvénient de la dispersion des compétences peut être résolu via les réseaux. Ce blog regorge d'exemples et d'analyses sur ce point
  • Le monde virtuel comme instrument de simulation - Le monde virtuel est paramétré pour que les acteurs simulent des situations du réel "possibilité de recréer des situations exceptionnelles pour mettre en situation des gens face à des situations qu'ils rencontreront rarement" Laurent Gout (2011). Le monde ne se substitue pas à l'acquisition de routines dans la vraie vie mais il permet d'anticiper des situations atypiques sans conséquences effectives IRL. Le monde virtuel permet d'analyser des situations extra - ordinaires par un procédé de répétition et d'analyse par retour en arrière (voir vidéo N° 2). Le monde dentallife s'inscrit dans cette dynamique de simulation ainsi que la salle d'urgence de l'impérial college of London.
  • Le monde virtuel comme lieu d'immersion dans un élément de savoir, comme processus spécifique. Les acteurs sont immergés dans une représentation du savoir (exemple des champs magnétiques) et interagissent avec l'environnement. Il semble qu'il soit possible, à ce stade, de croiser les travaux de ceux qui œuvrent dans les mondes virtuels et ceux qui développent des systèmes 3D.
  • Le monde virtuel comme instrument de co-construction des savoirs - Dans certains domaines il est possible d'utiliser le monde virtuel comme lieu de construction de concepts. L'exemple de collaboration entre une université américaine et une université Égyptienne est un bon exemple :
"Visionaries like Dr. Amr Attia from Cairo’s Ain Shams University and California-based architect David Denton, have volunteered countless hours and joined forced with Kara Bartelt at the USC School of Architecture to organize this project, with modest support pledged from the United States Department of State to realize Obama’s ‘Kansas to Cairo’ vision – a project they first discussed at a panel hosted by the State Department last June (read more about this architectural panel held in Second Life on america.gov or watch video coverage here)." Source (Credit) Arch virtual

On dépasse le cadre classique du cours frontal immersif distant, ou l'immersion dans un concept immersif déjà construit pour entrer dans le domaine de la co-construction entre enseignants et apprenants. Le monde virtuel est LE lieu de création.
Je pense, mais cela reste à démontrer, que les modes de tutorat sont à adapter aux modes de représentations virtuelles. Jacques Rodet doit pouvoir répondre de façon savante à mon affirmation largement péremptoire à ce stade de l'analyse.
Cette première analyse n'est en rien exhaustive, je compte affiner le propos dans les mois à venir.

Simulation, réprésentation graphique épurée ou hyperréalisme ?



Minecraft (TM) - Les moutons dans les champs
Dans ce blog nous avons généralement appuyés nos propos à partir d'usages repérés dans les mondes 3D. Nous avons traités des questions du geste, de la parole, des déplacements, des interactions. J'ai depuis sa création  présenté dans des séminaires les résultats des premiers travaux, montré à mes fils gamers les captations vidéos de mes travaux. Une remarque récurrente est émise : "Le graphisme est moins bons que dans les jeux", je passe sous silence les remarques moins diplomatiques.


Les commentaires se fondent sur un aspect technique mais ils débordent largement ce cadre car ils engagent la mission du tuteur notamment sur son champ d'intervention cognitif.

A l'heure actuelle le risque est important de confusion des genres. Les jeunes générations, nourries aux jeux vidéos serons tentées de se focaliser sur l'aspect soigné du graphisme, de ne retenir que la jouabilité au détriment des enjeux pédagogiques.

Il est déterminant de bien distinguer les enjeux d'un design soigné et les constructions didactiques et pédagogiques (même si l'union des deux n'est pas incompatible)

Cette question nous ramène assez naturellement à une question de scénarisation des processus d'apprentissage en monde immersif. Ab initio, au moment de la conception il faut se poser la question de la place du design. Est ce que le degré de réalisme est corrélé à une plus value d'acquisition ?


Faut-il s'orienter vers des "Battlefield", des "Call of Duty", des "world of warcraft" pédagogiques ?


La réponse est loin d'être simple. Nous laisserons volontairement de côté le grand arbitre des décisions, le budget. Les grands majors des jeux investissent des sommes colossales pour imposer leurs jeux sur le marché mondial. Modern warfare 3 aurait nécessité un investissement de 100 millions de dollars (1). Il est évident que le marché de l'éducation n'a pas les caractéristiques de ce mass market.





Cela condamne t-il le monde virtuel comme à rester le parent pauvre de la simulation ? L'absence de design hyperéaliste le condamne t-il aux oubliettes du numérique pédagogique ?


Paysage de Minecraft (TM) - La mer
Il existe un exemple de jeu en ligne au graphisme très épuré qui séduit de nombreux joueurs. Le jeu en ligne Minecraft est un exemple de réussite qui ne se fonde pas sur un environnement graphique au degré de réalisme très important. 







A défaut de pouvoir apporter de réponses, je peux inscrire les questions qui se profilent en toile de fond de cette réflexion :

  • Quelle est la stratégie à adopter pour expliquer les articulations entre le type de design et les enjeux de formation ?
  • Quelle est la place du designer dans les dispositifs de conception ? Faut-il travailler avec un designer ? Peut-on se passer des conseils des designers ?
  • Tous les environnements peuvent-ils se passer d'une étape de réflexion sur le design ? 
Poser des questions, c'est souvent déjà donner un élément de réponse. Je pense que le designer à sa place dans le dispositif. ce qui signifie pas que son intervention doive se concrétiser par un livrable  hyperréalisme. L' épure à toute sa place.


Ce petit billet me permet de poser à nouveau la question du besoin de constituer des équipes pluridisciplinaires de conception pour construire les dispositifs de formation immersif. 

Le tuteur s'inscrira dans cette réflexion, selon les besoins de la formation, de la simulation le design aura son incidence. Prenons le cas de la simulation en médecine de catastrophe, la ville doit être métaphorisée (le besoin de réalisme n'est pas nécessaire), les lieux symbolisés. Les designers se sont parfois emparés de ces univers et ont initiés des projets très intéressants. Le projet "fenêtre sur chambre" est très intéressant à ce titre.

A l'inverse le monde virtuel peut être très réaliste. C'est la cas de e.factor, projet Belge pour la formation de techniciens. Dans ce cas il est nécessaire d'avoir un environnement représenté au plus proche de la réalité, la qualité du tutorat en dépend.

Un bon design au service du tutorat ? La question mérite certainement une analyse poussée.










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mardi 3 avril 2012

Monde virtuel et lieu de formation

La formation en ligne de façon générale, la formation immersive en particulier interrogent les notions de temps et d'espace.

Le temps est une question sur laquelle je reviendrai dans d'autres billets. La question centrale étant de savoir comment le temps numérique est intégré dans le temps de travail ?

Je voudrai dans ce billet poser la question de l'espace. Il s'agit ici d'une question qui ressemble à la structure des poupées russes, un emboitement d'espaces. Lors de l'acte de formation je suis immergé dans un espace numérique construit et si possible signifiant, je m'y déplace, j'y interagis, mon corps exprime une gestuelle - Première boite

Pourtant ... l'immersion dans le savoir suppose d'être inscrit dans le réel, d'avoir un lieu propice à l'acquisition des savoirs. Il me semble donc fondamental de penser le lieu réel, nœud d'accès au virtuel. 

Deux solutions sont à étudier :

  •  Le domicile des acteurs ;
  • Un lieu institutionnel dédié.

Je choisis ici de traiter la deuxième option. Il est important de penser le lieu de formation, quel type de salle, son implantation, quels matériels numériques, quelle connexion, quel agencement de la salle, quel budget ?

Donner une signification spatiale à un lieu virtuel, n'est ce pas le début d'une certaine forme de reconnaissance ?

J'ai choisi ici de formaliser en 3D une proposition de  salle de formation, élément d'un scénario plus large.





Autre proposition



mardi 14 février 2012

Tutorer dans un environnement interactif dynamique. La place du eye's tracking


Depuis le lancement de ce blog, nous avons publié une somme de réflexions sur le lien entre tutorat et monde virtuel. Pour mener à bien ce travail nous avons observé (nous continuons à observer) les pratiques des concepteurs des dispositifs de formation dans les mondes persistants. Le spectre d'analyse est très large, il commence à la maternelle et se prolonge  jusqu'à  l'université.
Le premier temps d'observation étant achevé, je vais commencer à définir la posture de celui que Jacques Rodet (2011) nomme l'avatuteur (1) (contraction d'avatar et de tuteur). Je souhaite donner les contours de ce qui pourrait être l'amorce d'un modèle partageable et mutualisable de ce mode spécifique de tutorat. Je n'entends pas donner ici un modèle prescriptif mais plutôt une orientation argumentée.
Je limiterai volontairement, pour le moment, l'analyse à un élément de la typologie que nous avons proposé, le  monde virtuel de simulation (2).
Mon propos sera construit à partir des observations menées sur l'île Terra Toulouse (3) (ou Virtual Health) de Laurent Gout (4), espace de simulation de médecine de catastrophe. Des étudiants de capacité  (5) y reçoivent un enseignement en immersion. Le scénario conçu et pratiqué (6) place les étudiants dans une ville métaphorisée où est survenue une catastrophe. Il leur revient d'organiser les secours.
Les étudiants plongés dans le scénario dynamique sont mis en situation d'interaction à fin d'apprentissage. Ils peuvent se déplacer d'un lieu à un autre en gérant les trois dimensions, utiliser des objets, interagir avec eux, s'y insérer (conduire une ambulances, piloter un hélicoptère, soulever un brancard, diriger le rayon lumineux de sa lampe de poche ...), communiquer et interagir avec d'autres avatars. Nous sommes dans une logique de formation qui ressemble aux serious games (jeux sérieux) mais qui s'en détache à bien des égards, ne serait ce que par l'absence de la très répandue vue isométrique. 
Dans cette construction pédagogique complexe qu'elle est la place du tuteur ? Nous nous proposons d'y apporter quelques éléments de réponses.
Nous nous appuierons sur les éléments de la vidéo (ci-dessous) pour illustrer notre propos. Le tuteur est immergé dans l'acte de formation sa place, son rôle  peuvent être analysés.
Quel est le contexte ?
Une équipe d'urgentiste est chargée d'aller secourir un blessé en hélicoptère. Le déplacement aérien est simulé avec réalisme, décollage du site du SAMU, vol de transfert, atterrissage sur le bâtiment de réception, décollage et retour sur la zone de départ. Ce scénario dynamique s'exerce dans un repère spatial en trois dimensions, les acteurs interagissent entre eux et avec les objets (monter, piloter, descendre de l'hélicoptère).
Le dispositif de formation observé est,  immersif, en trois dimensions, scénarisé, interactif et dynamique à variables pédagogiques modulables. Le tuteur inscrit son activité dans ce registre. Il est en tension permanente car il doit mobiliser en même temps un grand nombre de compétences, notamment celles énoncées par Brigitte Denis (7) pédagogiques,  disciplinaires, techniques et  relationnelles.
Comment dans ce contexte interactif particulier, le tuteur peut-il, à la fois suivre visuellement le déroulé du scénario, analyser, conseiller et évaluer ? La charge cognitive est telle que le tuteur peut rapidement atteindre le stade de la saturation. Le réalisme du scénario peut, si l'on y prend garde, anéantir les ambitions tutorales c'est-à-dire l'accompagnement et le conseil. Là où une formation "classique" privilégie les compétences techniques et pédagogiques le scénario immersif place le disciplinaire et le relationnel à égalité (8)
L'avatuteur est-il un tuteur comme les autres en terme de compétences ?
  • Le technologique - On demande en général au tuteur de ne pas être un expert des technologies mais un bon connaisseur. Dans le cas  présent le ticket technologique d'entrée est important. Il est (sera) nécessaire de prendre le temps de former les tuteurs pour les rendre autonomes dans la maîtrise des diverses opérations professionnelles. On ne peut éviter d' envisager une forme de résistance au changement si les formateurs de tuteur manquent de sens pédagogique
  • Le relationnel - Tutorer dans un univers immersif qui scénarise une simulation (ici médicale mais elle peut être autre) pose la question du repère de tutorat. Doit-on tutorer un apprenant, un groupe d'apprenants, l’apprenant interagissant avec le groupe ? La réponse à la question est loin d'être simple, pourquoi et pour qui dois je tutorer ?
  • Le disciplinaire - Le tuteur immergé dans le scénario pédagogique doit être en capacité de qualifier, d'apprécier, d'évaluer les savoirs acquis de façon théorique et d'analyser en mode synchrone instantané les prises de décision des acteurs du dispositif.
  • Le pédagogique
    J'ajouterai aux analyses précédentes sur les compétences, l'aspect du positionnement spatial du tuteur. Je reviens ici sur un débat interne à ce blog, peut-on, doit-on tutorer pendant l'acte de formation ? Nous sommes dans une réflexion qui évolue autour des concepts de  réactivité et de la proactivité. Un tuteur immergé doit-il se contenter d'observer et d'attendre les sollicitations des étudiants (réactivité) ou devancer les étudiants en leur signifiant en temps réel que l'action, l'attitude, le geste ne sont pas conformes aux attentes ? (proactivité).
    Le monde virtuel est un outil aux fonctionnalités avancées, nous l'avons abondamment souligné ici, il induit des pratiques collaboratives synchrones mais ... aussi sophistiqué que soit l'outil, le facteur humain , l'action du tuteur est nécessaire pour accompagner l'apprenant dans son chemin vers l'autonomie, fut-il titulaire d'un doctorat en médecine.
  • L'apprenant - Il doit maîtriser un ensemble de solutions technologiques et une somme de connaissances théoriques. Une plateforme de formation de type Moodle (SLoodle) couplée au monde virtuel permet aux apprenants d'accéder aux cours théoriques et à une somme d'exercices favorisant la maîtrise de l'environnement immersif. Laurent Gout a intégré cette dimension du scénario pré formation. Il organise un jeu de piste d'autoformation destiné à chercher un objet dans un labyrinthe. L'exercice permet de développer les capacités cognitives de l'apprenant et sa gestion des repères spatiaux (9)
    On voit ici émerger un élément caractéristique des mondes virtuels de simulation, le lien étroit entre les savoirs constitués et les fonctionnalités d'un outil dédié.
    Ce lien étroit que je viens de souligner me permet d'avancer l'hypothèse suivante, le monde virtuel de simulation placerait le modèle dans le registre de l'intelligence collective "Le cyberespace manifeste des propriétés neuves qui en font un instrument de coordination non hiérarchique, de mise en synergie rapide des intelligences, d’échanges de connaissances et de navigations dans les savoirs.." (10)
    J'appuierais cette affirmation par un élément pratique, les étudiants peuvent lors d'un exercice choisir de modifier les paramètres initiaux. La capacité de réaction, la mobilisation des connaissances théoriques, la gestion du stress, la capacité à coordonner les réactions des autres acteurs doivent être mobilisées en même temps. On est, me semble t-il, en situation de mise en synergie rapide.
Quelle est donc la place du tuteur dans ce type de dispositif ?
Je pense que le monde virtuel de simulation tel qu'il est décrit ici modifie en partie la posture habituelle du tuteur, au moins sur un point. Classiquement le tuteur doit opter selon les moments de la formation, selon les besoins pour une attitude réactive ou proactive. En situation  immersive de simulation sa posture est modifiée, il se retrouve en situation de veille active. La structure technologique permet au tuteur d'observer en même temps la construction du savoir individuel et les conséquences des collaborations de type intelligence collective entre les acteurs des dispositifs.
Le tuteur dispose d'une  fonctionnalité très puissante. L'existence d'un œil subjectif permet à l'avatuteur de suivre en temps réel l'activité des apprenants. Les déplacements dans l'espace 3D, les gestes, les attitudes. Il lui est ainsi loisible par la seule puissance du regard (eye's tracking) d'embrasser dynamiquement un processus de formation en action.
Nul doute que ce processus modifie aussi les plans d'interventions cognitif, socio-affectif, motivationnel et métacognitif.
Il est possible que Jacques Rodet ait des arguments passionnants à ce sujet ...
NB : Cette vidéo illustre les possibilités de suivi d'une scène dynamique par le tuteur. Le tuteur positionné sur le toit du SAMU suit tous  les mouvements de l'hélicoptère (eye's tracking)

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(1) L’avatuteur en vol, posture à concevoir par Jacques Rodet http://tutvirt.blogspot.com/2011/09/lavatuteur-en-vol-posture-concevoir-par.html  
(2)  Typologie des usages pédagogiques en monde virtuel http://tutvirt.blogspot.com/2011/08/la-causerie-grand-format-avec.html
(3) Virtual Health SLurl http://maps.secondlife.com/secondlife/Terra%20Toulouse/146/10/34
(4) Le blog de Laurent Gout http://urgentic.blogspot.com/

(5) Capacité de médecine de catastrophe - Université Paul Sabatier, Toulouse http://www.univ-tlse3.fr/RPMCA_41/0/fiche___formation/&RH=1237306095896 
(6) Formation médicale en univers virtuel : retour d'expérience (2010)
http://urgentic.blogspot.com/2010/12/le-college-midi-pyrenees-medecine.html  
(7) Denis Brigitte , « Quels rôles et quelle formation pour les tuteurs intervenant dans des dispositifs de formation à distance ? » ,Distances et savoirs, 2003/1 Vol. 1, p. 19-46. DOI : 10.3166/ds.1.19-46
(8) Jacques Rodet "Tutorat à distance, une fonction essentielle" Blog de t@d (2007) http://blogdetad.blogspot.com/2007/09/tutorat-distance-une-fonction_04.html
(9) Tutorat et prise en compte de l'espace de formation http://tutvirt.blogspot.com/2011/09/tutorat-et-prise-en-compte-de-lespace.html
(10) Hélène Godinet (2007) – Campus numérique FORSE – PURH